«Nous sommes la police du flagrant délit.» C’est ainsi que se présente Jo*, brigadier en charge de la brigade anti-criminalité (BAC). Installé dans un local discret du poste des Pâquis, le policier se montre prudent. Lui et ses hommes, pointures des repérages en civil de voleurs à la tire, à main armée, à l’astuce ou à la portière, ont tous l’anonymat chevillé au corps. «Par peur des représailles et pour maximiser nos chances de succès sur le terrain», répéteront-ils, tout au long de l’après-midi de repérage. La zone cible va de la place Cornavin jusqu’aux Rues Basses, en passant par la Rade. Nicolas*, un M. Tout-le-Monde de 1,90 mètre, sera notre guide. Ce jour-là, il fait cavalier seul. «Je suis policier depuis quinze ans, confie-t-il. J’ai participé à des dizaines d’opérations à succès.» Pour passer inaperçu, Nicolas se déguise en promeneur; il porte un pantalon délavé, un vieux t-shirt et une banane. Seul accessoire qui le trahit: une petite puce couleur chaire nichée dans son oreille gauche. «C’est un système de communication interne, explique-t-il. Nous signalons l’éventuelle présence de suspects pour ensuite former des “cloches”, des guets-apens à voleurs.»
Culture du vol
Dans la foule dense, difficile de distinguer qui que ce soit. Nicolas pointe tout de même un collègue posté devant l’UBS de la Place Bel-Air, l’air de rien. «Nous n’avons pas le droit de nous saluer en public», souffle-t-il. Dans le chaos de l’heure de pointe, les délinquants sont repérés tantôt par leur comportement, tantôt par leur origine ethnique. «Statistiquement, ces dernières années, les protagonistes des vols viennent surtout du Maghreb et des pays de l’Est, informe Jo. La Police ne fait pas dans le délit de faciès. Hélas, les chiffres et l’expérience nous montrent que certains types de vols peuvent être liés à des cultures… Les Maghrébins sont souvent arrêtés pour des vols à la tire ou à main armée, tandis que les communautés d’Europe de l’Est font plutôt dans l’astuce.» Et de préciser: «Nous nous concentrons d’abord sur le comportement des gens. Au final, les chiffres montrent que des personnes de n’importe quelle origine ethnique peuvent être les auteurs de vols.»
Coopération internationale
Redoutable obstacle au travail de la BAC: la pendularité des délinquants. Une coopération européenne se met en place petit à petit. «Une dizaine d’unités antivols du continent se réunissent une fois par an, détaille Jo. Nous partageons nos avis de recherche avec nos homologues basés ailleurs. Et parvenons parfois à mettre la main sur nos cibles de cette façon.» Nicolas, de son côté, est rentré bredouille au poste. Sur les 51 vols en flagrant délit enregistrés au cours de la semaine écoulée, aucun n’est à signaler en cette fin de journée. «Il y en a moins car ils se méfient de nous», assure Jo, qui prie ensuite son co-équipier d’aller rejoindre femme et enfants.
*nom connu de la rédaction