«Je vis au camping»

- Plusieurs centaines de personnes vivent à l’année au camping en Suisse romande.
- Leurs motivations sont souvent liées à la crise mais aussi, et c’est nouveau, à une envie de vivre autrement.
- Témoignages de campeurs installés pour durer…

  • Cinto Da Silva s’est aménagé un petit jardin autour de sa caravane. DR

    Cinto Da Silva s’est aménagé un petit jardin autour de sa caravane. DR

  • «Je vis au camping»

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    «Je vis au camping»

«Je ne reviendrais au béton pour rien au monde»

Cinto Da Silva

A l’heure où beaucoup s’apprêtent à prendre le chemin des vacances et à passer un séjour sous tente ou dans une caravane, il est surprenant de savoir que vivre au camping à l’année en séduit plus d’un. Ainsi, en Suisse romande, ce ne sont pas moins d’une quinzaine de campings qui restent ouverts pour accueillir ces campeurs longue durée pas tout à fait comme les autres.

Précarité et partage

A Genève, au camping du Bois-de-Bay à Vernier, perdu au milieu d’une zone industrielle, la vie n’est pourtant pas si rose. Tout au moins celle de Jean-Jacques Weber, l’une des 30 personnes à vivre ici 365 jours par an. Le Genevois de 57 ans y est contraint depuis 4 ans et peut le faire grâce à l’Hospice général, car il n’a que 1000 francs de revenu mensuel. «Je suis charpentier mais au chômage depuis un moment, explique-t-il en traversant le brouillard direction les douches. A mon âge, retrouver du travail est difficile surtout que j’ai des soucis de santé, du coup je dois vivre là-dedans en attendant mieux.» Et l’homme de désigner la caravane défraîchie qui lui tient lieu de maison depuis trop longtemps. Heureusement, il y a les grillades partagées régulièrement avec Cinto Da Silva. Nains, petit jardin potager, tonnelle, ce mécanicien au chômage de 53 ans, n’a pas ménagé ses efforts pour rendre les lieux conviviaux. «Je ne reviendrai au béton pour rien au monde», assène-t-il tandis qu’une grue, posée dans la zone industrielle voisine, tournoie bruyamment au-dessus de sa tête.

Un village convivial

Reste que, si beaucoup de campings ont des listes d’attente, tous ne sont pas réservés à des personnes déshéritées ou en rupture sociale. La retraitée Yvette Helfer l’illustre bien. Après une vie jalonnée de longs et lointains voyages et un métier de restauratrice dans les montagnes californiennes, la septuagénaire et feu son mari se sont fixés au camping de Vidy à Lausanne, à deux pas du Léman, voici 3 ans. «A notre retour, après avoir vendu notre maison, nos deux voitures et presque tout le reste, on a préféré investir 80’000 francs dans un mobile-home de 35 m2, qui est en définitive comme un petit studio, plutôt que de se coltiner la vie stérile des immeubles locatifs d’aujourd’hui», explique la Vaudoise qui ne regrette pas son choix. «Ici, on a l’indépendance, le grand air, la convivialité et même un certain confort.» Ses voisins Suzy, artisane de 57 ans et Yvan Grize, électricien en recherche d’emploi de 60 ans, qui de leur côté n’ont pourtant pas l’eau courante, renchérissent évoquant une «ambiance digne de la série télé Camping Paradis» (ndlr: «Camping 3» sort au cinéma le mercredi 29 juin - lire aussi en page 15). «On est un village de Sioux. Il y a des étudiants, des salariés et des retraités. Tout le monde se connaît et s’entraide. L’hiver on se fait des fondues et l’été, on toque chez les voisins avec une bouteille pour improviser un apéro», se réjouissent ces quinquas qui en 2007 ont troqué leur attique à 2400 francs par mois au centre-ville pour deux caravanes coûtant trois fois moins. «Dès qu’il fait beau on est dehors et le matin on est réveillé par les oiseaux. Et même si en hiver, il faut marcher vite pour aller au bloc sanitaire, on préfère cette vie riche de rencontres à d’autres où on serait enchaînés à nos biens!»

Le couple est officiellement domicilié au camping. Ce n’est pas le cas du dynamique Michel Pahud. Ce fournisseur en viande de 56 ans fait partie de la «grande famille» depuis 3 ans. Il y a investi un mobile-home de 24 m2 suite à son divorce. «Moi qui vivais dans un 200 m2 avec tous les tracas qui vont avec, jamais je n’aurais imaginé ça, mais aujourd’hui je ne reviendrais plus en arrière. En rentrant le soir, je me sens illico en vacances. Ici, on prend le temps de prendre son temps. Et on n’est jamais seul tout en pouvant s’isoler quand on veut!»