Aide aux médias: la fin des journaux gratuits!

Le 13 février, le peuple se prononcera sur une augmentation de 151 millions des aides aux médias. Problème: ces subventions ne placeraient pas tout le monde sur un pied d’égalité. Une distorsion de concurrence inacceptable. Face à face entre les partisans du «oui» et du «non».

  • Si le «Oui» l’emportait lors de cette votation, on assisterait à coup sûr à la fin prochaine des journaux gratuits. 123RF

    Si le «Oui» l’emportait lors de cette votation, on assisterait à coup sûr à la fin prochaine des journaux gratuits. 123RF

En Suisse, les médias bénéficient de 136 millions de francs d’aides annuelles. La Confédération doit-elle en verser davantage? A l’heure où la presse souffre plus que jamais de la migration de ses revenus publicitaires vers les géants du web mais aussi de l’érosion de son lectorat et d’une inquiétante perte de crédibilité auprès de certains citoyens, préférant s’informer auprès d’autres sources pas toujours sérieuses, le Conseil fédéral est d’avis que oui.

Deux poids, démesures?

Les initiants du comité «Non aux médias contrôlés» ne voient pas la chose sous cet angle (lire ci-dessous). Ledit comité se compose d’une septantaine d’élus UDC, PLR et du Centre qui dénoncent un «gaspillage d’argent public» et une «perte d’indépendance des médias». C’est à son initiative que le 13 février, les citoyens voteront pour ou contre ce nouveau train de mesures.

Ce projet du parlement fédéral prévoit d’augmenter de 151 millions l’actuel soutien aux médias et ce pour une durée de cinq à sept ans selon les mesures. Sauf que cette aide ne les concerne pas tous malheureusement... Vos hebdomadaires indépendants GHI et son pendant vaudois Lausanne Cités n’en bénéficieront pas, bien que comptant respectivement 137’000 et 98’000 lecteurs chaque semaine. Et ce au motif qu’ils sont gratuits... Or, cette presse représente des milliers d’emplois directs et indirects. Un oui serait donc synonyme pour elle de perte de compétitivité face à ses concurrents.

7% d’électeurs indécis

Le train de mesures prévoit que la Confédération prenne en charge les frais de distribution de la presse par la Poste à hauteur de 120 millions contre 50 actuellement. Trente millions seraient également alloués aux médias en ligne payants afin de favoriser leur transition numérique.

Les écoles de journalisme, l’agence Keystone-ATS, le Conseil suisse de la presse ainsi que des projets informatiques globaux bénéficieraient quant à eux de 23 millions, prélevés sur la redevance radio-tv. Enfin, la part de cette redevance destinée aux radios et télévisions privées augmenterait de 28 millions.

Le comité interpartis «La liberté d’opinion» (lire ci-dessous), qui fait campagne pour le oui, estime, lui, que «le lien entre démocratie et diversité de l’information régionale serait affaibli si le peuple refusait le projet».

A ce stade, les sondages prédisent le rejet du projet dans les urnes. Rendu public début janvier, celui de l’éditeur Tamedia annonçait une victoire du non avec 51% contre 42% de oui. Mais il révélait aussi que 7% des électeurs étaient encore indécis.

Carlo Sommaruga, conseiller aux Etats (PS)

«Notre démocratie en a besoin!»

Pourquoi appeler à voter oui?
Dans notre démocratie, les citoyens doivent pouvoir se forger une opinion en s’appuyant sur les informations d’une presse diversifiée et de qualité. Or, les GAFA (ndlr: Google, Apple, Facebook et Amazon) ont siphonné l’argent de la publicité finançant ces médias. Résultat: il leur est plus difficile d’assurer un bon travail avec moins de moyens. On constate une baisse de qualité et des effectifs dans les rédactions depuis une quinzaine d’années. Ce phénomène s’accélère. Un nouvel appui s’impose.

En finançant les médias, la Confédération ne risque-t-elle pas de fausser leur objectivité?
Une aide indirecte existe déjà et aucune perte d’autonomie n’a été constatée pour autant. C’est au contraire la situation actuelle qui renforce l’influence de certains gros annonceurs sur le contenu des journaux. L’information n’est pas une marchandise comme une autre!

N’est-il pas injuste que les journaux gratuits ne soient pas concernés par ces aides alors que des publications associatives confidentielles le seront?
Non. Vu leur modèle économique, ces journaux se portent mieux que les autres. Ils dispensent des informations brutes ou souvent anecdotiques ne nourrissant en général pas autant le débat démocratique que les journaux qui seront aidés et qui eux sont disponibles sur abonnement ce qui implique un coût important.
Propos recueillis par LG

Charles Poncet, avocat et membre de «Non aux médias contrôlés»

«Un oreiller de paresse pour les médiocres»

Pourquoi appeler à voter non?
C’est une très mauvaise idée d’essayer de «sauver» un secteur économique à coup de subventions. Cela handicape les opérateurs efficaces et donne un oreiller de paresse aux médiocres. Avec cette aide, vous obtiendrez une presse de larbins en gilets rayés, le plumeau à la main, brossant les politiciens avec application. C’est ce qu’on veut en Suisse? Il faut laisser faire l’initiative privée. Elle permettra à ceux qui sont bons de survivre et tant pis pour les autres…

L’information est-elle un marché comme un autre?
Evidemment non mais elle n’est pas non plus une activité administrative que l’Etat devrait «encadrer». Une presse libre doit pouvoir critiquer l’Etat mais si elle reçoit des sous venant de lui, elle ne le fera pas. Regardez la TV suisse et comparez avec l’anglaise ou les italiennes! Ecoutez la radio romande et comparez avec Europe 1. Le GHI est plutôt critique à sa manière et l’Etat ne lui a rien donné…

Nombre de nos médias suisses bénéficient déjà d’aides étatiques. Sont-ils de ce fait trop influencés par le pouvoir?
Absolument! La SSR est devenue une organisation comme les CFF, à l’efficacité près, dans laquelle des pithécanthropes répandent la doxa politiquement correcte à un auditoire du troisième âge. Plus vite elle disparaîtra, mieux ce sera!
Propos recueillis par LG