Avant les vacances, les prêts sur gages ont la cote

Les Genevois sont nombreux à «mettre au clou» des objets de valeur en échange de liquidités. Les dépôts sont en hausse ces dernières semaines. But: avoir davantage de moyens pour les congés estivaux. La Caisse publique, située rue des Glacis-de-Rive, a été fondée en 1872.

  • Des bijoux évalués à 1000 francs sur le marché de la revente permettent d’emprunter 400 francs. MARIE PRIEUR

  • Dominique Tinguely, directeur de la Caisse publique de prêts sur gages. MP

«Les objets restent la propriété de la personne dépositaire»

Dominique Tinguely, directeur de la Caisse publique de prêts sur gages

Au guichet de la Caisse publique de prêts sur gages, se présente Marie, 77 ans. Cette dame au chapeau et aux lunettes vient régler une partie de ses dettes. Objectif: prolonger son prêt. Il y a plusieurs mois de cela, la septuagénaire a en effet «mis au clou» quelques bijoux, histoire de disposer de liquidités. «Ça ne m’arrive pas très souvent, raconte-t-elle. J’ai eu recours à ce service peut-être trois ou quatre fois ces dix dernières années. Pour payer mon assurance-maladie ou racheter un frigo.»

Dans les moments où l’argent vient à manquer, ils sont nombreux à opter pour cette solution. Tout particulièrement ces dernières semaines. Comme l’explique Dominique Tinguely, directeur de la Caisse publique de prêts sur gages: «L’été arrive. Il est à nouveau possible de voyager. Résultat: beaucoup de gens viennent déposer leurs objets de valeur chez nous. Surtout parce qu’ils ont besoin de liquides pour profiter pendant les vacances. Certains de nos clients nous utilisent aussi comme coffre-fort, pour que leurs bijoux soient en lieu sûr en leur absence. Les dépôts sont en hausse depuis avril-mai.»

7,6 millions de francs de prêts en cours

A l’inverse, au printemps 2020, après le premier semi-confinement, les gens venaient plutôt récupérer leurs biens. «Privés de sollicitations extérieures en raison de la fermeture des restaurants et des commerces, ils ont fait moins de dépôts», poursuit Dominique Tinguely. En tout, en 2020, la Caisse a accordé 2081 nouveaux prêts (contre près de 2900 en 2019), dont la grande majorité ne dépasse pas 5000 francs. Actuellement, 4740 prêts sont en cours. Pour un montant total de 7,6 millions de francs.

Concrètement, l’usager se rend au guichet, situé rue des Glacis-de-Rive, pour déposer ses biens. «Il s’agit surtout d’objets en or: des bagues, des colliers, des boucles d’oreilles», détaille Dominique Tinguely. Sur place, les objets en question sont expertisés. «On les pèse. On teste la teneur en or.» La gemmologue examine aussi les pierres serties afin de déterminer s’il s’agit de diamants. «Pour les montres suisses ou les sacs de marque, on vérifie que ce ne sont pas des contrefaçons», indique-t-il.

93% des gens récupèrent leur bien

La valeur de revente détermine le montant du prêt. Soit 30% pour la maroquinerie et les montres et 40% pour les objets en or. Dans ce cas, des bijoux évalués à 1000 francs permettent d’emprunter 400 francs. Les frais administratifs s’élèvent, eux, à 6% de la somme prêtée. Quant aux intérêts, il n’y en a pas pour les prêts de moins de 250 francs et ils atteignent 7,5% par an pour les prêts de plus de 500 francs.

Une fois le contrat signé, la durée de validité du prêt est de six à douze mois. «Le prêt peut être prolongé de six mois en six mois à condition que la personne rembourse 20% de la somme empruntée, souligne Dominique Tinguely. Il n’y a pas de durée minimum. Il est possible de venir chercher l’objet déposé dès le lendemain.» Et le directeur d’insister: «Les objets ne nous appartiennent pas. Ils restent la propriété de la personne dépositaire.»

Quid des objets non récupérés avant la fin du contrat? «Nous les mettons aux enchères. Ainsi, on se rembourse (intérêts compris). L’excédent de la vente, lui, revient au propriétaire.» La vente aux enchères demeure l’exception. Selon Dominique Tinguely, 93% des gens viennent récupérer leur bien.

Mais qui sont les clients de la Caisse? «Les trois quarts sont des femmes, précise le directeur. Beaucoup viennent de pays du continent africain. Le placement dans l’or est un moyen d’investir. Nous avons aussi des clients du continent sud-asiatique et d’Amérique latine mais aussi des Suisses et des Européens.» Comme Marie qui profite de sa visite pour demander: «On peut déposer des tapis?» Réponse: «Oui mais uniquement des tapis d’Orient en soie.»

A Genève, «ma tante» fêtera bientôt ses 150 ans

Le système de prêt sur gage ne date pas d’hier. On le surnomme volontiers «Chez ma tante». Selon la légende, l’expression remonte au XIXe siècle. Le fils du roi Louis-Philippe, le prince de Joinville, joueur invétéré, aurait déposé sa montre en gage. Puis, interrogé par sa mère, aurait prétexté l’avoir oubliée «chez sa tante».

A Genève, la Caisse publique de prêts sur gages a, quant à elle, été fondée en 1872 et s’apprête donc à fêter son 150e anniversaire. A noter qu’il s’agit d’un établissement autonome de droit public, qui s’est vu confier cette mission par l’Etat. «Nous avons le monopole. Les privés n’ont pas le droit de faire du prêt sur gage», précise son directeur, Dominique Tinguely.

Une dent, un shaker, en or

Si les bijoux en or sont monnaie courante, certains objets déposés à la Caisse publique de prêts sur gages sont plus étonnants. Comme le raconte le personnel: «Le plus surprenant, c’est ce monsieur qui s’est présenté au guichet, a fait un large sourire avant de décrocher une dent en or pour la mettre en dépôt.» Autre bizarrerie: un shaker en or ou encore un bracelet manchette en or en forme de poulpe parsemé de leds.