AVS au rabais: comment les retraités genevois tentent de s'adapter...

Les rentiers AVS de la petite «petite» classe moyenne peinent à joindre les deux bouts, d'autant que l’augmentation du coût de la vie plonge certains 
dans la précarité. Pour faire face, ils continuent à travailler, s’exilent dans un autre canton ou à l’étranger.

«Lorsque mes amies font une soirée au bowling suivie d’un petit resto, je prétexte une maladie. Je n’ai pas 
les moyens de dépenser 50 francs et je n’ose pas leur révéler ma situation financière. Je suis donc obligée de mentir pour rester digne», rage Anne-Sophie*, à la retraite depuis quatre ans. En raison de plusieurs interruptions d’activités, la Genevoise ne peut que compter que sur une partie de son AVS pour subsister, soit, environ 2000 francs. «Heureusement, ma rente prend en charge mon assurance maladie ainsi que différentes aides ponctuelles, sinon je ne m’en sortirais pas». Une réalité qui angoisse la sexagénaire et engendre même des problèmes de santé. A tel point que son médecin lui a prescrit des anxiolytiques «Travailler toute sa vie pour se retrouver dans cette situation: quelque chose ne va pas. Heureusement, mes enfants me remontent le moral et m’aident à remplir le frigo», positive tout de même 
la retraitée. Qui bénéficie également de l’aide du milieu associatif, à l’image de l’Avivo, qui l’épaule dans ses démarches.
Changement de canton
Pour anticiper des difficultés au moment de la retraite, Ewa, a, quant à elle, fait le choix de partir vivre en Valais. Un canton, où dit-elle, les loyers et les taxes sont plus abordables qu’au bout du lac.  «Frontalière, j’ai travaillé toute ma vie à Genève». Mais, impossible pour elle, de s’installer dans sa ville d’adoption en raison de son faible pouvoir d’achat. «M’installer en Valais est une des meilleures décisions que j’ai prises dans ma vie. Je vis à Riddes depuis quatre ans et je suis très heureuse ici», se félicite la rentière, qui possédait une enseigne de couture au centre-ville. Après avoir vendu son entreprise, Ewa a pu acquérir un logement de 2,5 pièces dans un immeuble récent, pour moins de 300’000 francs. «A Genève, j’aurais dû dépenser deux ou trois fois plus pour le même bien. Ce qui était au-dessus de mes moyens». Econome, elle s’approvisionne directement auprès de producteurs, ce qui réduit les dépenses alimentaires. Mais ce n’est pas tout. En Valais, Ewa le montant de l’impôt auto et celui de la prime pour son assurance maladie sont moins élevés qu’à Genève. Elle a ainsi trouvé un équilibre financier satisfaisant.
Cap sur l’Espagne
De son côté, François* mettra le cap en septembre sur Alméria. Une ville à peu près équivalente, en termes de population, à Genève et située en Andalousie. Si le futur retraité a choisi de s’exiler, ce n’est pas uniquement pour goûter aux douceurs climatiques tempérées par la proximité de 
la mer. Assistant comptable, il a fait ses comptes pour évaluer ses perspectives financières. Divorcé et père de deux enfants, il n’a interrompu 
ses activités, bien malgré lui, que durant quatre ans au total.
Alors, entre la rente AVS et le deuxième pilier, il devrait percevoir un revenu mensuel d’un peu plus de 4000 francs. Il ne se considère pas comme le plus mal loti. Mais, la cherté de la vie en Suisse et l’avenir en la matière incertain l’ont obligé à opter pour cette installation en terre ibérique. «L’idée de devoir vivre chichement maintenant que je peux profiter un peu de l’existence me paraissait injuste.»  
Emilie*, coiffera ses 68 ans au printemps. Dynamique, cette sémillante vendeuse, qui exerce dans une boulangerie, est bel et bien à la retraite. Mais, pour s’acquitter de ses factures, elle continue à travailler. «J’effectue une quinzaine d’heures par semaine. C’est ainsi que je peux mettre du beurre dans les épinards et m’octroyer quelques loisirs. Oui, je me considère malgré tout comme chanceuse. D’une part, parce que mon employeur a accepté de prolonger ma durée de travail et d’autre part, parce que je suis en pleine forme.»
Quatre destins en grande partie liés à un même problème: le faible montant des rentes AVS ne permet plus à de nombreux retraités issus de la «petite» classe moyenne de joindre les deux bouts. Une réalité pointée dans la presse par le conseiller national PS et président de l’Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard, qui rappelle qu’une rente AVS pour un couple marié est plafonnée à un peu plus de 3600 francs, et qui estime à environ 1800 francs par an la somme perdue par les rentiers depuis 2020. Et de rappeler, également, que les rentes médianes cumulées des 1er et 2e piliers dépassent tout juste les 3500 francs, alors que le salaire médian se situe aux abords de 6600 francs.
«Humiliant»
Interrogé sur le plafonnement des rentes, le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz, à la tête du Département de la cohésion sociale (DCS), reconnaît qu’il y a de quoi être choqué. «Surtout quand on a travaillé toute une vie. Boucler le mois avec un revenu de 3600 francs est de nos jours très compliqué, voire humiliant. Surtout à Genève. Toutefois, en faisant appel aux dispositifs d'aide financière fédéraux et cantonaux, qui se superposent à l'AVS/AI, les personnes ou ménages en grandes difficultés peuvent bénéficier d'un revenu supérieur à 3600 francs», précise le magistrat. 
Plus largement, les autorités cantonales genevoises affirment faire leur possible pour venir en aide aux personnes financièrement vulnérables.
«Le Canton verse près de 840 millions de francs au titre des prestations complémentaires fédérales et cantonales, dont 240 millions de francs liés aux subsides d’assurance maladie. 
«Le Département de la cohésion sociale et de la solidarité réunit l’essentiel des prestations attribuées sous conditions de ressources», rappelle ainsi Guillaume Renevey, secrétaire général adjoint. Mais ce n’est pas tout. La question du vieillissement de la population est également surveillée de près. «Cette problématique fait aujourd’hui partie d’une politique ad hoc, qui a vu notamment naître un une structure spécifique: le Service cantonal des seniors et de la proche aidance (SeSPA). Il faut rappeler que cette thématique est d’autant plus importante que Genève est le canton dans lequel le revenu des ménages est le plus bas de Suisse, en raison notamment des coûts, souvent incompressibles, que représentent les frais d’assurance maladie et les loyers», ajoute le responsable.
Enfin, Thierry Apothéloz affirme qu’un des aspects clés de la politique des seniors est d«avoir une connaissance fine de leurs besoins».