«En seulement douze minutes, l’escroc a vidé mon compte»

ARNAQUE • Contacté par un faux conseiller bancaire, un habitant de Pully (VD) s’est fait voler 3045 francs. L’escroquerie bien ficelée, fait de plus en plus de victimes. Elle s’appuie sur un numéro de téléphone écran et des données personnelles préalablement volées.

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C’est un dimanche soir comme les autres. Mateo*, un trentenaire habitant Pully, est en train de changer la couche de son fils lorsqu’il reçoit un appel sur son téléphone portable. Le numéro qui s’affiche est celui d’une banque cantonale alémanique. Interloqué, le jeune père décroche: «L’interlocuteur se présente, dans un français parfait, comme un conseiller bancaire, et me dit que je suis potentiellement victime de phishing car il a repéré des transactions suspectes réalisées depuis le Maroc sur ma carte de crédit.»

Transactions soi-disant suspectes

C’est à ce moment-là que le premier piège est tendu puisque l’escroc affirme que l’appel est enregistré et qu’il doit authentifier Mateo* avant de pouvoir bloquer ces transactions suspectes. Pour le mettre en confiance, il lui donne son nom, son prénom, son adresse postale ainsi que les quatre derniers chiffres de sa carte de crédit: «A ce moment-là, je me suis vraiment dit qu’il s’agissait d’un véritable conseiller bancaire car il avait toutes ces informations sur moi. Il me demande ensuite de confirmer oralement que je ne me trouve pas au Maroc, ce que je fais, se souvient le Pulliéran. Il me dit alors qu’il y a quatorze transactions en cours et que pour les bloquer, il va m’envoyer un code par SMS via l’application de ma carte de crédit.»

Le trentenaire reçoit dans la foulée un message et lit le code de confirmation à haute voix. Ce qu’il ne sait pas à ce moment-là, c’est qu’il s’agit d’une demande de paiement. «En lui donnant ce code, il a pu directement me prendre 3045 francs. Il m’a ensuite envoyé un deuxième message, mais j’ai compris que quelque chose ne tournait pas rond. Je lui pose donc des questions sur ce qu’il est en train de faire, il s’agace immédiatement et me dit que je dois rapidement lui donner le second code. Je décide donc de raccrocher.»

Immédiatement après, Mateo* appelle la banque qui gère sa carte de crédit pour bloquer la transaction qu’il vient de valider. Au téléphone, la collaboratrice lui indique qu’elle peut bloquer sa carte, mais pas le versement de 3045 francs. Elle précise que les paiements confirmés par l’application sont instantanés.

Conscient qu’il sera quasiment impossible de retrouver la trace de son escroc, Mateo* dépose tout de même plainte. Du côté de la police cantonale vaudoise, cette mésaventure ne surprend pas la porte-parole Florence Frei: «Dans le cas présent, préalablement au coup de téléphone, un mail ou un SMS de phishing est envoyé à la victime lui demandant de rentrer ces informations personnelles et bancaires dans un formulaire en ligne. Les prétextes peuvent être de payer ou mettre à jour un abonnement ou de régler des frais de livraison La Poste. Quelque temps après le phishing, l’auteur appelle la victime et prétexte que des transactions frauduleuses ont lieu sur le compte bancaire de cette dernière. Nous avons constaté une petite vague de ce type de cas depuis quelques semaines.»

Trois cas à Genève en 2023

Même son de cloche à la police genevoise. «Nous avons enregistré 3 cas similaires en 2023: 2 en mars et un en mai. Nous avions déjà eu un cas en novembre 2022. Le mode opératoire est similaire. Les scénarios sont plutôt élaborés. Les escrocs parlent très bien le français et s’expriment de manière cordiale. Ceci met en confiance la victime», précise Aline Dard, chargée de communication en prévention.

Si les victimes genevoises se sont aperçues rapidement de l’escroquerie, des montants ont été débités. «Pour les cas recensés, la fourchette des préjudices se situe entre 500 et 10’000 fr, complète-t-elle. Il n’y a pas de victime type, cela touche toutes les tranches de la population.»

Comment se prémunir?

Pour se prémunir de telles escroqueries, les polices genevoises et vaudoises conseillent de se méfier des SMS ou mails demandant de cliquer sur un lien pour transmettre ses informations bancaires, de ne jamais donner les codes de confirmation de transactions reçus par SMS à une tierce personne et enfin de se méfier des appels prétextant une urgence et nécessitant d’agir immédiatement.

Aline Dard ajoute: «Si vous êtes victime, contactez immédiatement votre organisme bancaire pour bloquer votre carte et demandez un retour de fonds. Prévenez la police et déposez plainte.»

Pour Mateo*, l’histoire se termine bien puisqu’après plusieurs échanges de courriers avec la société émettrice de sa carte de crédit, il s’est vu rembourser l’intégralité de la somme volée. «Cela m’aura servi de leçon et je serai plus vigilant car se faire vider mon compte en douze minutes, je peux vous l’assurer, cela ne s’oublie pas. Par contre, contrairement aux propos de la police cantonale, je n’ai pas rempli de formulaire en ligne avant le coup de fil de l’escroc. Mes données ont dû être volées d’une autre manière, c’est le plus flippant…», conclut-il. *prénom fictif, identité connue de la rédaction