Genève: 50’000 francs pour cloner votre chien

  • Depuis cette année, un site web propose de cloner vos compagnons à quatre pattes.
  • Des activités qui soulèvent de nombreuses questions, tant légales qu’éthiques.
  • Le vétérinaire cantonal assure de son côté que cette pratique est soumise à autorisation. Notre dossier.

  • Swiss Pet Cloning déclare, sur son site, bénéficier d’un réseau de cliniques, de vétérinaires et de chercheurs sélectionnés avec le plus grand soin. 123RF

  • Le prix proposé par swisspetcloning.ch pour cloner un chat se monte à 36’000 francs. 123RF

«Cet acte est considéré comme de l’expérimentation animale»

Michel Rérat, vétérinaire cantonal

Faire le deuil d’un animal de compagnie peut s’avérer être une épreuve extrêmement douloureuse. Trop, parfois. Au point de pousser certains à vouloir le voir renaître? C’est en tout cas le pari que s’est lancé Swiss Pet Cloning, à Genève: proposer à ceux qui le souhaitent de faire cloner leur chat ou leur chien. «Nous ne procédons pas à l’intervention à proprement parler, explique G.*, cofondateur du site swisspetcloning.ch, en ligne depuis janvier. Nous sommes là pour conseiller les gens.»

Labos aux Etats-Unis et en Asie

Swiss Pet Cloning déclare, sur son site, bénéficier d’un réseau de cliniques, de vétérinaires et de chercheurs sélectionnés avec le plus grand soin. Un vétérinaire effectuera le prélèvement des cellules-souches. Ensuite, celles-ci seront envoyées dans une clinique. Elles seront cultivées, puis inséminées dans une mère porteuse. Deux mois après la naissance, l’animal pourra être récupéré par son propriétaire. Montant de l’intervention: 55’000 dollars américains (49’950 francs) pour un chien, 40’000 dollars (36’330 francs) pour un chat.

Une coquette somme. Mais qui sont ces chercheurs et où se situent ces cliniques? Rien ne l’indique et G. reste très évasif: «Les laboratoires se trouvent aux Etats-Unis et en Asie.» Le cofondateur ne livre pas de nom ou d’adresse mais assure être attentif à ce que certains standards soient respectés. «Sur leurs sites internet, les laboratoires affirment que les animaux sont bien traités et que chaque mère porteuse est ensuite adoptée par une famille», souligne G. Quelqu’un est-il allé vérifier ces promesses sur place? «Non, admet-il, mais nous devons aussi faire confiance à nos différents partenaires et nous référer à ce qu’ils nous disent.»

Le vétérinaire cantonal genevois, Michel Rérat, ne cache pas avoir été surpris lorsqu’il a découvert l’existence de swisspetcloning.ch. «Nous avons pris connaissance des activités de cette société via sa campagne de recrutement de partenaires, explique-t-il. A aucun moment, les fondateurs n’ont approché le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV) pour connaître le cadre légal de ces activités.»

Car en Suisse, le clonage tombe sous la législation sur l’expérimentation animale. «La loi sur la protection des animaux est très claire: les expériences doivent être limitées à l’indispensable et dans un but scientifique, précise Michel Rérat. Nous sommes donc hors de ce cadre dans le cas de clonage d’animaux de compagnie privés.» Swiss Pet Cloning assure, de son côté, respecter la loi, puisque le clonage à proprement parler ne sera pas effectué en Suisse. Mais il faut toutefois qu’un vétérinaire prélève les cellules-souches. Ce qui pose problème. «Cet acte est considéré comme de l’expérimentation animale et donc soumis à autorisation», affirme Michel Rérat.

Le bien-être des animaux en question

Le procédé n’est par ailleurs pas sans risques. «Selon les études en sciences agricoles, le taux de réussite est relativement faible et les animaux produits par clonage peuvent souffrir de malformations ou de diverses maladies, précise le vétérinaire cantonal. La mortalité embryonnaire est élevée, et la mise bas peut être plus difficile vu que certains animaux naissent plus lourds ou plus grands que les standards de la race de la mère porteuse.»

Le clonage pose aussi clairement une question éthique d’un point de vue de santé et de bien-être des animaux, tant aux détenteurs qu’aux vétérinaires, selon lui. Swiss Pet Cloning a été contacté par le SCAV pour clarifier la situation. G. nous a assuré que lui et son associé allaient répondre «ces prochains jours». Il ajoute: «L’entrepreneuriat implique de sans cesse se justifier auprès des autorités. Je ne reviendrai toutefois pas à une vie d’employé. Selon moi, il faut suivre ses rêves.»

* Nom connu de la rédaction

Ce que dit la loi suisse

Selon la loi fédérale sur la protection des animaux (RS 455), une autorisation d’expérimentation animale est nécessaire pour cloner des animaux. Cette demande doit, entre autres, comporter un examen du bien-fondé de l’affaire et s’avérer être indispensable. «Cette technique a été interdite par l’Union européenne, mais elle est déjà monnaie courante aux Etats-Unis tant pour l’élevage d’animaux de rente que pour ceux de compagnie, relève le vétérinaire cantonal Michel Rérat. En Suisse, les milieux agricoles ont interdit l’importation de produits provenant d’animaux clonés.»