Au front pendant la crise, elle est menacée de renvoi en Iran

PÉTITION • Helia, infirmière de 29 ans, a œuvré aux Hôpitaux universitaires de Genève durant la pandémie de Covid-19. Elle est aujourd’hui sous le coup d’une procédure de renvoi dans son pays d’origine. Forte mobilisation contre ce risque d’expulsion.

  • De retour en Suisse depuis 2011, Helia ne peut imaginer repartir en Iran.STéPHANE CHOLLET

Plus de 3700 signatures en trois jours. Lancée samedi 18 juillet, la pétition contre le renvoi d’Helia, mobilise. «Les messages de soutien affluent de toutes parts», précise cette infirmière de 29 ans, originaire d’Iran. Parlementaires, professeurs d’Uni, anciennes collègues infirmières, membres de la communauté iranienne de Genève, ils sont nombreux à être scandalisés par sa situation.

Nazanin Najafzadehkhoei, plus connue sous le nom d’Helia, son second prénom, fait l’objet d’une procédure de renvoi en Iran, son pays d’origine. Une décision de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) tombée mi-juillet alors que la jeune femme vient de passer un mois et demi au chevet des patients atteints du Covid-19 aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG).

«Merci à toutes les personnes qui, des semaines durant, ont applaudi le travail du personnel soignant, de signer cette pétition afin que ma sœur puisse rester proche de nous», écrit son frère, auteur de la pétition.

«Le bruit des respirateurs dans les oreilles»

Au café où nous la rencontrons, Helia exprime d’emblée sa gratitude envers toutes les personnes qui la soutiennent. «Ça fait chaud au cœur. Surtout que j’étais découragée en ce début d’été.» Il faut dire que ces derniers mois, voire ces dernières années n’ont pas été de tout repos.

Du 20 avril au 31 mai, elle a travaillé aux soins intermédiaires, secteur Covid, au 6e étage des HUG. «On prenait en charge des patients ayant subi des trachéotomies, ayant besoin d’un suivi des problèmes neurologiques ou respiratoires dus au Covid. J’ai fait principalement les nuits.» De longues nuits de 12 heures, «sans dormir pour ne pas laisser nos patients, raconte-t-elle. J’ai encore le bruit des respirateurs dans les oreilles. C’était stressant. Mais j’ai beaucoup appris et l’entraide entre infirmières nous portait.»

CDI aux HUG annulé

En mars, alors que la pandémie débarque à Genève, Helia suit une formation complémentaire à son diplôme d’infirmière décroché à Neuchâtel en 2017. «Tout le monde applaudissait sur les balcons. Et moi, j’avais le sentiment de ne servir à rien alors que les patients avaient besoin de moi.» Elle répond donc à l’appel aux volontaires lancé par les HUG, persuadée qu’il s’agit de bénévolat.

Quelques semaines plus tard, elle se voit même offrir un contrat à durée indéterminée à l’Hôpital cantonal. Mais, le jour de la signature, le 28 mai, elle informe son futur employeur qu’elle vient de recevoir un préavis négatif à sa demande de permis humanitaire. Quelques heures plus tard, les HUG la préviennent par mail que l’offre de CDI est annulée, au motif qu’elle est «extra-communautaire». «Ça a été la douche froide», souligne-t-elle. Interrogés sur ce point, les HUG ne commentent pas ce cas particulier mais indiquent que «les contrats HUG, en particulier CDI, sont soumis à l’obtention d’un permis de séjour. Si tel n’est pas le cas ils ne peuvent pas été honorés».

Déterminée, Helia décroche un autre CDI à l’IMAD du Petit-Lancy. «Je devais commencer le 1er août, précise-t-elle. Mais, ils m’ont finalement annoncé que c’était trop compliqué.»

Délais de recours

Dans toute cette affaire, ce qu’Helia peine le plus à comprendre, ce sont les motifs de la décision de renvoi. «On m’explique que je dois retourner dans «mon» pays. Auprès de mes parents alors qu’ils n’habitent plus là-bas! De plus, je ressens un fort décalage. La situation économique et géopolitique s’est durcie en Iran. Et la situation des femmes est toujours très compliquée. Enfin, toute ma vie est ici», clame-t-elle haut et fort, dans un français impeccable.

Il faut dire qu’elle a vécu à Genève de 9 à 13 ans et est arrivée à Neuchâtel à l’été 2011. Elle a d’ailleurs fait une demande de naturalisation. Pour laquelle manque un permis de séjour en cours de validité... «C’est le serpent qui se mord la queue!» lâche-t-elle. «Elle est un modèle d’intégration», renchérit son compagnon Jan.

Reste l’option du mariage. «J’ai commencé ce combat par moi-même. Je ne veux pas devoir le résultat à quelqu’un d’autre», conclut la jeune femme au regard perçant.

A propos de ce dossier, le Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé indique avoir «connaissance de la pétition. On ne commente pas les cas particuliers d’autant plus quand les délais de recours ne sont pas échus». Helia a en effet jusqu’au 14 septembre pour recourir contre son renvoi.