Autocollants antivol discriminatoires

SÉCURITÉ PRIVÉE • Les étiquettes avertissant qu'une alarme est installée ciblent les Balkans.

  • Le mot «alarme» inscrit sur l'autocollant est le même à une ou deux lettres près dans quasiment toutes les langues.

«Mon autocollant antivol est traduit en albanais et en portugais pour cibler les populations de cambrioleurs.» Cet installateur de systèmes d'alarme n'y est pas allé avec le dos de la cuillère lorsqu'il a posé un de ses dispositifs chez Leila, une habitante du quartier des Délices. Pour signaler aux voleurs potentiels que l'appartement était protégé, rien de mieux, selon l'entrepreneur, que des traductions destinées à des ethnies très ciblées: soit celles qui apparaissent dans les statistiques de la criminalité. A noter que les mots d'avertissement sont les mêmes dans quasiment toutes les langues à une ou deux lettres près.

Stigmatisation

«J'étais très étonnée des langues choisies, confie Leila. Comment peut-on affirmer qu'une population vole plus qu'une autre?» Une réalité qui interpelle également Valérie Muster, juriste à la Fédération romande des consommateurs (FRC): «Cette pratique me laisse perplexe, affirme-t-elle. Les autocollants doivent être traduits dans les langues nationales, c'est tout. Ou alors dans toutes les langues… Les communautés stigmatisées pourraient tout à fait envisager de porter plainte contre de tels procédés.»

Légal

Cela dit, la pratique est autorisée dans la quarantaine de petites sociétés de sécurité privées à Genève. La police, pour sa part, ne la condamne pas: «Du moment qu'il n'y a pas le logo de la police, les installateurs peuvent mettre ce qu'ils veulent sur leurs autocollants, informe Philippe Cosandey, porte-parole. A chacun sa politique d'entreprise.» Quant aux langues choisies, elles seraient insuffisantes: «Aujourd'hui, il a été établi que les personnes originaires des pays de l'est sont particulièrement actives dans le cambriolage, reconnaît M. Cosandey. Mais les Maghrébins et les gens du voyage le sont aussi.» Et de préciser: «Même s'il existe certaines récurrences sur le terrain, la police se refuse à toute généralité.»

Croyance collective

Reste que l'ethnie est régulièrement prise en compte dans l'élaboration d'autres campagnes d'avertissement. Le directeur d'un atelier de graphisme en sait quelque chose: «J'ai été mandaté pour fabriquer un autocollant de ce genre l'année dernière, se souvient-il. J'ai immédiatement eu le réflexe de proposer la traduction du message en ukrainien et en roumain.» Pourquoi? «Les médias désignent sans cesse ces nationalités dans leur représentation de la criminalité liée au cambriolage», justifie le graphiste.