Braquage à Thônex: peines variables entre Genève et Lyon

JUSTICE • Jugés des deux côtés de la frontière, pour un même hold-up, des malfrats ont écopé de peines allant du simple au double. Les policiers, eux, ont été indemnisés en France mais pas à Genève. Explications.

  • L’entrée du change Migros. Les malfrats avaient pénétré en recourant à la méthode de la voiture bélier. FRANCIS HALLER

    L’entrée du change Migros. Les malfrats avaient pénétré en recourant à la méthode de la voiture bélier. FRANCIS HALLER

  • L’avocat Robert Assaël. DR

    L’avocat Robert Assaël. DR

C’était en mai dernier devant la Cour d’assises de Lyon, en France voisine. Trois individus écopaient de 8 et 10 ans de prison, accusés d’avoir participé, début novembre 2013, au braquage du change Migros à Thônex. Juste en face du poste de police et à un jet de pierre de la frontière française. Un hold-up à la voiture bélier, aussi spectaculaire que loupé où des coups de feu avaient été échangés entre braqueurs lourdement armés et forces de l’ordre. L’attaque s’était produite un samedi matin juste avant l’ouverture des guichets.

En 2016, l’un des malfrats, arrêté et jugé à Genève, écopait de 5 ans de prison par le Tribunal correctionnel. Aujourd’hui libre, il est venu témoigner au procès de ses trois présumés complices à Lyon (lire encadré), interpellés en France. Le trio a lui aussi été condamné pour cette affaire mais à des peines plus sévères: 8 et 10 ans de prison. Quasi du simple au double…

«ll ne faut pas oublier que c’est grâce à l’intervention très professionnelle et courageuse de deux policiers genevois que le braquage n’a pas abouti et qu’il n’y a pas eu d’issue fatale», constatent d’une même voix Mes Robert Assaël et Alain Berger, avocats des deux gendarmes. «Même si les policiers sont formés à affronter le danger, ils ne peuvent être préparés à une violence aussi extrême. Du jamais vu en Suisse! Les gendarmes ont eu peur de mourir et en ont forcément été très marqués», ajoutent les avocats.

A Genève, ces derniers ont demandé au tribunal une indemnité pour tort moral. «Le tribunal correctionnel les a purement et simplement déboutés, aucun dommage concret à leur encontre n’ayant été établi par un certificat médical. C’est choquant car sans avoir fait un doctorat en psychologie, on pouvait mesurer l’atteinte subie par les policiers», fulminent Mes Robert Assaël et Alain Berger.

«Respect des forces de l’ordre»

A Lyon, en revanche , les policiers ont obtenu 3000 euros (3390 fr.) pour tort moral et 2000 euros (2260 fr.) pour participation aux frais d’avocat. Comment expliquer cette différence de traitement? Au pouvoir judiciaire de Genève, le chargé de relations Marc Guéniat ne commente pas un cas particulier, quel qu’il soit. Mais alors que penser? «En Suisse, les juges ont tendance à croire que ce sont les risques du métier alors qu’en France, il y a peut-être un respect plus profond des forces de l’ordre et des risques que prennent les policiers pour assurer la sécurité des citoyens», avance Me Assaël, sans que personne ne vienne le contredire.

N'avoue jamais, jamais, jamais

A son procès genevois, au mois de septembre 2016, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession. G., 49 ans à l’époque assurait aux juges: «Si je l’avais fait je vous le dirais!» Reconnu coupable et condamné à 5 ans d’incarcération, il est depuis sorti de prison et c’est en homme libre qu’il est venu témoigner à la barre de la Cour d’assises de Lyon, en mai 2019, pour dire que les trois individus assis sur le banc des accusés n’étaient pas les bons... Dans l’ancienne capitale des Gaules, G. a cette fois reconnu avoir participé au braquage du change Migros en novembre 2013. «Il l’a dit froidement et avec un détachement glaçant: «Je voulais gagner de l’argent, j’y suis allé, j’ai fait ce que j’avais à faire et voilà!», explique Me Assaël. Et de lui demander pourquoi il ne s’était pas mis à table à Genève. «Il faut toujours contester, c’est la règle du jeu!» La leçon a bien été entendue par les trois individus jugés à Lyon. Ils ont nié toute participation à cette affaire et ont fait appel du verdict.