Héros du quotidien: pour le meilleur et pour le pire

Depuis le début de la crise du coronavirus, des hommes et des femmes sont au front pour assurer le fonctionnement de la société. Ils racontent les bons et les mauvais moments. Témoignages touchants.

  • Parmi les beaux gestes de solidarités... un restaurant thaïlandais, à Saint-Jean,

    Parmi les beaux gestes de solidarités... un restaurant thaïlandais, à Saint-Jean,

Médecin, employé de la poste, pharmacien ou agriculteur, ils continuent à travailler malgré les risques. Récits.

Patrizio, responsable de pharmacie, 50 ans: «Le plus dur, c’est de contenter tout le monde. Les gens se ruent à la pharmacie, ils sont angoissés. A l’image de cette maman dont le fils était asthmatique. Elle avait peur pour lui, mais voulait en même temps qu’il puisse continuer à sortir… On a vu des personnes âgées venir et revenir sans cesse, en se mettant en danger, pour réclamer des masques. Aujourd’hui, on manque de tout, même de thermomètres. C’est difficile de gérer cette frustration. Quant au côté positif de cette période: le professionnalisme de mes collaborateurs. Je leur dois une fière chandelle. Ils sont encore au travail malgré les risques de contamination. Chapeau bas!»

Amar, guichetier à la Poste, 57 ans: «A la Poste, les premières inquiétudes ont pointé fin 2019 alors que nous recevions des colis venant de Chine. Le pire moment a sans doute été quand nous avons appris qu’un collègue à risque était hospitalisé. Pendant trois jours, tout l’office était suspendu aux résultats de son test qui s’est avéré négatif. Le meilleur souvenir, c’est une cliente qui nous a laissé une petite somme d’argent en nous disant: «Vous partagerez un café avec vos collègues.» Elle n’a pas de gros moyens. Ça venait vraiment du cœur. On attend l’après pour partager ce café, ce sera plus chaleureux!»

Jeremy, maraîcher, 34 ans: «On ne peut pas tirer la prise pendant quatorze jours, sinon les cultures sont mortes. Je travaille toujours avec l’équipe annuelle, soit une trentaine de personnes. Le plus difficile, ça a été le lundi 16 mars, lorsque les écoles ont fermé. Tout le monde s’est mis à paniquer. Il a fallu mettre en place des mesures pour continuer à travailler, répondre aux questions, aux doutes, alors même qu’on n’avait pas les réponses. Le positif, c’est que cela a donné du sens à notre place dans la société. L’agriculture était décriée ces dernières années. Là, on a tout de suite perçu le changement. Les clients se demandaient s’il y aurait assez à manger pour tout le monde. Cette expérience va tous nous changer. Moi y compris. Vivre avec ma femme et mes enfants, entre nous, me permet de me rendre compte de mes vraies priorités.»

Natacha, enseignante, 37 ans: «Mon pire moment, c’est sans doute quand j’ai vidé mon casier, pris toutes mes affaires à l’école et claqué la porte du bâtiment. Je me suis demandé quoi faire des plantes? On les laisse. Tout comme nous, elles traverseront la crise. Quant au meilleur moment, je dirais celui où ma classe s’est retrouvée pour la toute première fois pour un cours en ligne. De nouveaux liens, inédits, se créent: «Et la prof, elle est où?», «Papa, tu peux arrêter de faire la vaisselle, j’entends pas!» Inédits, je vous dis!»

Vincent, standardiste pour la ligne verte, 36 ans: «Il y a beaucoup de moments difficiles. Car, on répond à la détresse des gens. On informe sur les décisions du Conseil fédéral, on redonne les règles. On redirige les gens vers les lignes d’aide. Il y a aussi beaucoup de questions sur le passage des frontières. On passe six heures par jour à répondre au téléphone. Le côté positif, c’est la reconnaissance. On se sent utile. Je garderai le souvenir d’une dame en particulier. Normalement, on doit essayer de ne pas prolonger l’appel. Mais là, je n’arrivais pas à raccrocher car elle n’arrêtait pas de me remercier. C’était très touchant.»

Gauthier, médecin assistant aux urgences, 28 ans: «Le pire, c’est quand on apprend que des gens qui ont 50 ans et qui sont en bonne santé atterrissent aux soins intensifs. Ça met un coup au moral. Ça nous rappelle que cette maladie peut toucher tout le monde. Quant au meilleur moment, il y en a deux qui me viennent à l’esprit. La première fois qu’on a applaudi les soignants aux fenêtres, j’étais assez ému. Aussi quand nous avons été informés qu’une patiente de 100 ans était sortie de l’hôpital en bonne santé!»

Esteban, chauffeur TPG, 38 ans: «Le pire, ce sont les relèves. On ne peut plus se saluer. C’était un moment de convivialité, un échange chaleureux. Maintenant, on sent cette ambiance triste, le regard lourd des collègues. Il y a cette méfiance qui s’est installée. Quand on monte dans un bus, on désinfecte le poste de conduite de peur d’être infecté. A contrario, il y a aussi tous les gens qui nous remercient. Ceux qui lèvent le pouce quand le bus passe. Ça, ce sont des vrais «like», pas comme sur les réseaux sociaux! Et puis, il y a surtout le restaurant thaïlandais de Saint-Jean qui a offert des plats à emporter pour tous les conducteurs. De quoi redonner le sourire!»