Le climat anxiogène paralyse les agences de voyages

La levée quasi complète des quarantaines pour les touristes de retour en Suisse n’a pas eu l’effet escompté pour les spécialistes du voyage. Elles peinent toujours à sortir la tête de l’eau. La faute à l’incertitude liée à la situation sanitaire.

  • Le tourisme peine à redémarrer malgré la levée de la plupart des quarantaines. 123RF/JOPANUWARD

    Le tourisme peine à redémarrer malgré la levée de la plupart des quarantaines pour les voyageurs entrant en Suisse..123RF/JOPANUWARD

Malgré la suppression des quarantaines pour les voyageurs entrant en Suisse (sauf ceux en provenance de deux Länder en Autriche, d’Andorre, du Luxembourg, de la République tchèque, du Monténégro et de la Polynésie française), le cauchemar continue pour les agences de voyages: «Je pensais que la fin de la liste rouge ancienne formule redonnerait envie aux gens de voyager, mais nous vivons une phase anxiogène, précise Stéphane Jayet, vice-président de la Fédération suisse du voyage (FSV). Nos clients ont peur de réserver et ensuite de devoir rester en Suisse à cause d’une fermeture des frontières. Ils attendent de voir ce qu’il va se passer.»

Trop d’incertitudes

Ce que confirme Nicolas Ambrosetti, directeur de VickyH Destinations: «C’est l’insécurité qui règne avec les mesures d’urgence imposées semaine après semaine. Cela ne pousse pas les Genevois à partir. Tout change trop vite. Sans oublier que des clients ont perdu de l’argent à cause des RHT [chômage technique] ou des difficultés de leur entreprise et certains ne se sont encore pas fait rembourser leurs billets d’avions annulés à cause du Covid-19.»

Olivier Emch, directeur d’Executive Travel et président du Groupement des agences de voyages de Genève, dresse un bilan un brin plus optimiste: «Je reste convaincu que d’avoir levé les restrictions permettra aux gens de voyager. Mais on peut se demander à quoi servaient ces quarantaines. Les demandes reviennent petit à petit, il y a un très léger rebond, mais mon chiffre d’affaires reste en chute libre de 85%. Malgré cela, nous avons du travail car nos clients souhaitent être parfaitement renseignés sur les conditions sanitaires de leur destination.»

A la dernière minute

Du travail, mais quasiment aucune vente, le pire des scénarios en quelque sorte. D’autant que les vacances de fin d’année sont généralement une période faste pour les voyagistes. Cette fois-ci, c’est le last minute qui sera la règle d’après Jérôme Tissot, directeur suisse de Voyageurs du monde: «Nous avons des départs pour des clients genevois prévus sur le Mexique, le Sri Lanka ou encore le Costa Rica. Toutefois, comme pour cet été, les gens s’y prendront à la dernière minute et leur choix sera prioritairement guidé par l’évolution de la situation sanitaire en Suisse et les conditions d’entrée dans les pays de destination.»

Olivier Emch complète: «Il y a des destinations intéressantes pour les Fêtes comme les Seychelles, les Maldives ou la République dominicaine. J’ai justement un client qui est parti aux Seychelles depuis trois semaines. Il y profite des magnifiques paysages tout en télétravaillant sur place.»

Reste qu’à de rares exceptions près, les Genevois resteront en Suisse cet hiver. Une situation qui met en péril de nombreux acteurs du secteur. C’est le cas de Nicolas Ambrosetti: «Ma trésorerie est à sec. J’ai contracté un prêt Covid, mais il a déjà été utilisé. Les allocations pour perte de gain ont été prolongées par la Confédération jusqu’en juin 2021. Donc d’ici-là, il n’y aura certainement pas de retour à la normale.» Stéphane Jayet va encore plus loin: «Dans le domaine du voyage, le monde d’après ne ressemblera pas au monde d’avant, c’est une certitude aujourd’hui. Pour retrouver les volumes de 2019, il faudra attendre 2024 ou 2025, c’est loin.»

Reconnue comme «cas de rigueur», la branche des voyages espère donc un soutien massif de la Confédération et des cantons. A Genève, le Conseil d’Etat s’est déjà dit prêt à débloquer 3,5 millions de francs. Un bon début. Mais, de l’avis de tous les voyagistes interrogés, le vrai espoir réside dans l’instauration de tests antigéniques rapides (prélèvement dans les narines) dans les aéroports du monde entier. Ce qui permettrait aux touristes de voyager comme avant… ou presque.