«Les communes ne se laisseront pas faire»

Quelque 44 millions l’an prochain et jusqu’à 90 millions en 2024, tel est le montant que les communes devront verser au Canton si le projet de loi écrêtage passe la rampe. En coulisses, la lutte s’organise.

  • Alfonso Gomez, magistrat chargé des Finances de la Ville de Genève (à gauche), et Xavier Magnin, président de l’Association des communes genevoises. STÉPHANE CHOLLET

  • Alfonso Gomez, magistrat chargé des Finances de la Ville de Genève, et Xavier Magnin, président de l’Association des communes genevoises. STéPHANE CHOLLET

    Alfonso Gomez, magistrat chargé des Finances de la Ville de Genève. STÉPHANE CHOLLET

  • Xavier Magnin, président de l’Association des communes genevoises. STÉPHANE CHOLLET

Ces deux-là ne se serrent pas la main (Covid-19 oblige), mais ils comptent bien se serrer les coudes. Le président de l’Association des communes genevoises (ACG), Xavier Magnin, et le magistrat chargé des Finances de la Ville de Genève, Alfonso Gomez se voient beaucoup ces derniers temps. Tout comme les argentiers des 45 communes du canton. Tous préparent la riposte.

«Les communes ne se laisseront pas faire», lance le PDC Xavier Magnin, en guise d’introduction. L’objet de leur colère: le projet de loi écrêtage présenté par le Conseil d’Etat le 17 septembre. Ce dernier prévoit «la participation des communes à la facture sociale», à hauteur de 44 millions de francs en 2021 et jusqu’à 90 millions en 2024. Un transfert de charges sans transfert de compétences. «Inacceptable!» selon le duo.

«Surpris voire stupéfaits»

Ce qui déplaît d’emblée au duo Magnin–Gomez, c’est la méthode. «On a été surpris voire stupéfait car on était en phase de négociations avec le Canton sur de nouvelles compétences à attribuer aux communes», souligne Xavier Magnin rappelant qu’en 2018, les communes ont tendu la main au Canton pour réfléchir ensemble à une nouvelle répartition. La police de proximité, la FASe (Fondation genevoise pour l’animation culturelle) ou encore l’Imad (Institution genevoise de maintien à domicile) ont été évoquées.

«Le groupe de travail, mené par l’ancien conseiller d’Etat David Hiler, existe toujours! Que fait-on du protocole d’accord maintenant?» questionne le président de l’ACG.

«C’est la mort de la péréquation»

Pourtant, n’est-il pas logique en temps de crise budgétaire de demander aux communes, notamment aux plus riches, de faire un effort de solidarité? «Cette solidarité existe déjà, rétorque Xavier Magnin. C’est le système de la péréquation communale. Or, si ce projet de loi passe, c’est la mort de la péréquation à très court terme. Cologny par exemple, qui devrait verser 19 millions en 2021, se retrouverait dès 2022 avec un revenu par habitant inférieur à celui d’Onex et ne pourrait donc plus apporter sa contribution au système de péréquation.»

Le duo précise enfin que pour renflouer ses caisses, le Canton aurait pu augmenter d’un point la part de l’impôt cantonal. «S’il ne veut pas et qu’il ne parvient plus à payer ses charges, alors qu’il transfère aux communes les compétences qui vont avec, complète Alfonso Gomez. On ne peut pas tout régenter et se contenter de piocher l’argent manquant dans les poches des autres.» Et Xavier Magnin de renchérir: «En réalité, on ne nous demande même pas de payer une facture mais tout simplement de subventionner l’Etat!»

Désormais, les communes vont s’employer à convaincre les députés de ne pas adopter le projet de loi. Ou même «inciter le Conseil d’Etat à le retirer», souligne l’argentier de la Ville, précisant que «la volonté de dialogue est toujours là». Si le projet de loi devait être validé par le Grand Conseil, le duo l’affirme: «Ce sera le référendum!»

«Cette mesure ne fait que rallonger la dette»

Dans ce projet de loi, ce qui irrite aussi les communes, c’est la proposition du Canton de «compenser» les 44 millions prélevés dans leurs caisses en rallongeant la durée d’amortissement de trente à quarante ans. «Cette contrepartie n’en est pas une! s’insurge le conseiller administratif de la Ville de Genève, Alfonso Gomez. On ne sait même pas comment ont été faits les calculs du Canton destinés à nous montrer ce que l’on y gagne.» Et le président de l’Association des communes genevoises, Xavier Magnin, d’ajouter: «De plus, cette mesure est censée être rétroactive. Mais, c’est impossible à appliquer car on devrait faire revoter nos conseils municipaux sur chaque projet.» Aux yeux du magistrat vert de la Ville, «cette proposition ne fait que rallonger la dette et la fait peser sur les générations futures».