«Les prières à la cafétéria fâchent»

AÉROPORT • Des bagagistes musulmans interrompent leur travail pour prier plusieurs fois par jour dans un lieu commun. Personnel outré. Silence de l’employeur.

  • Les nombreuses prières dans un lieu commun sur les lieux de travail dérangent. ISTOCK/IBRAKOVIC

    Les nombreuses prières dans un lieu commun sur les lieux de travail dérangent. ISTOCK/IBRAKOVIC

«C’est tout de même incroyable! En janvier dernier nous dénoncions les prières régulières de certains de nos collègues musulmans dans le local de pause, et malgré cela, ça continue!» Des agents assistants au sol à l’Aéroport de Genève, sont décontenancés: «Nous ne reprochons pas à ces personnes de prier, mais de le faire plusieurs fois par jour à la cafétéria, et parfois ils nous mettent en retard sur l’horaire car ils s’absentent sans demander d’autorisation…»

Attitude désobligeante

Certains employés d’assistants au sol de Swissport sont choqués par ce laisser-faire de la hiérarchie. «Dans un premier temps, c’est dans une salle improvisée qu’ils faisant leurs prières, détaille un employé au tri des bagages. Puis, cette salle non-autorisée a été fermée. Ainsi, c’est maintenant dans le local de pause qu’ils font, cinq fois par jour, leurs piétés. Et une collègue d’enchaîner: «Ils demandent aux femmes de sortir du local, parfois nous apostrophent si on mange un sandwich au salami pendant qu’ils prient. Et la plupart du temps, ils nous demandent de quitter la cafétéria.»

Hiérarchie muette

Les employés rejetés par des collègues de confession musulmane l’ont fait savoir à leur employeur. En vain: «Nous attendons toujours une réaction de leur part.» Interrogé, Swissport n’a ni confirmé, ni infirmé l’information. Elle nous a brièvement fait savoir qu’elle ne souhaitait faire aucun commentaire.

Société privée

De son côté, le service de presse de l’Aéroport de Genève nous fait savoir qu’elle n’intervient pas dans ce genre de conflit, que cela est du ressort de l’employeur, puisque les locaux dépendent d’une société privée, en l’occurrence Swissport. Réponse identique du Département de la sécurité et de l’économie (DSE): «Les lieux sont effectivement du domaine privé et il revient donc aux entreprises qui les emploient de régler les problématiques de ce type, tout en tenant compte du principe constitutionnel de la liberté de culte et de conscience», précise Caroline Widmer, chargée de communication au DSE. Elle rappelle que pour l’heure, aucune plainte pénale n’a été formulée.

«La prière ne doit pas être un instrument de conflit mais de paix »

ChZ • «Les nombreuses prières des bagagistes dans un lieu commun doivent être réglées avec l’employeur lors de l’engagement, déclare d’emblée Hafid Ouardiri, directeur de la Fondation de L’Entre-Connaissance. Les prières ne doivent pas être un obstacle au travail. Au contraire.» Par ces mots, la figure musulmane suisse estime que le problème pourrait être ainsi réglé en amont: «Une personne qui postule est payée pour cela. Elle ne peut pas s’absenter sous prétexte de devoir prier si son patron n’a pas été averti. Si l’employeur acquiesce, il serait préférable qu’il lui mette une salle de prière à disposition, mais discrète, et non pas dans un lieu commun, comme un local de pause.» Et de rappeler l’essentiel dans cette bisbille qui oppose des bagagistes à Cointrin: «Les prières ne doivent pas être un instrument de conflit, mais de paix et de sérénité!»