Manifestations sportives: «Il y a péril en la demeure!»

CRISE • Les organisateurs de grands événements sur la voie publique se mobilisent pour lutter contre les lourdes contraintes sécuritaires et médico-sanitaires qui plombent les budgets et épuisent les ressources. De son côté, l’Etat calme le jeu. Explications.

  • Le maire de la Ville de Genève Sami Kanaan et Jerry Maspoli, le président de la Course de l’Escalade, prêts à franchir tous les écueils pour trouver des solutions. CHRISTIAN BONZON

    Le maire de la Ville de Genève Sami Kanaan et Jerry Maspoli, le président de la Course de l’Escalade, prêts à franchir tous les écueils pour trouver des solutions. CHRISTIAN BONZON

Inquiétude et ras-le-bol minent le travail des organisateurs de grandes manifestations sportives sur l’espace public. En cause? Des contraintes sécuritaires et médico-sanitaires de plus en plus lourdes qui épuisent forces et ressources tant sur le plan logistique que financier. De quoi largement sortir de ses gonds. «Mettre sur pied une manifestation sportive, c’est aujourd’hui un véritable parcours du combattant. D’un point de vue administratif, on ne sait jamais ce qui va nous tomber sur la tête, résume Jerry Maspoli, président de la Course de l’Escalade. Rien n’est jamais acquis, il faut tout recommencer d’une année sur l’autre.»

Budget plombé

Et des exemples concrets, le patron bénévole de la plus importante épreuve de course à pied du pays n’en manque pas. «Cette année, nous devons nous débrouiller seuls pour trouver 500 panneaux de signalisation. Avant, ce matériel était fourni par l’Etat. Plus le droit non plus de confier la surveillance des carrefours aux seuls bénévoles, désormais ils doivent être encadrés par des agents assermentés. Rien que sur le parcours du Walking, qui part de Veyrier et se termine aux Bastions, cela représente des dizaines de policiers et des frais de police de 76’000 francs. Lors de la course du Duc, la psychose sécuritaire et son cortège de contraintes comme l’installation obligatoire de blocs de béton, la mise en place de fouilles et des contrôles systématiques des voies d’accès par des agents privés plombent aussi notre budget. C’est vite vu, il y a six ans, le poste de la sécurité était de 60’000 francs pour l’ensemble de la manifestation, il se monte aujourd’hui à 541’000. Même si les frais effectifs directs de la police sont remboursés après coup, ces contraintes sont usantes, stressantes et démotivantes.»

Pilule amère

Et la galère ne s’arrête pas là. La pilule est aussi particulièrement amère à avaler du côté des dispositifs médico-sanitaires exigés par l’Etat. «Les jours de course, il y a probablement plus de médecins et d’équipes soignantes à l’Escalade qu’aux Urgences de l’hôpital cantonal…, s’étrangle Jerry Maspoli. Est-ce proportionné et justifié, alors qu’on pourrait parfaitement s’appuyer sur les structures existantes des HUG, proches de la course, en cas de besoin ou d’urgence», s’interroge-t-il?

Réunion de crise

Et il n’est de loin pas le seul à grincer des dents. Cette surenchère administrative est aussi dénoncée par les organisateurs du Marathon international de Genève. «Les exigences de l’Etat se sont beaucoup trop durcies ces dernières années», déplore ainsi Jean-Marc Guinchard, président du comité d’organisation. «On exige de nous plus de personnel soignant, de médecins, une ambulance mobilisée toute la journée alors qu’aucun cas dramatique n’est à déplorer en 15 éditions. Ces contraintes font bondir les budgets entre 20% et 30%. Cela ne peut pas durer.»

C’est aussi l’avis de la Ville de Genève. Fin décembre 2018, le maire Sami Kanaan a écrit au canton pour demander une entrevue et trouver de toute urgence des solutions. «Nous sommes particulièrement préoccupés car les nouvelles contraintes mettent en péril l’organisation de manifestations sportives et culturelles sur la voie publique, explique l’élu. Celles-ci sont d’importantes sources de rayonnement et les affaiblir risque d’impacter l’attrait de Genève et de réduire ainsi le dynamisme de notre canton. Par ailleurs, ces réclamations émanent d’associations essentiellement composées de bénévoles. Nous savons à quel point le bénévolat est fragile, il est donc d’autant plus important que nous entendions le signal d’alarme tiré par les organisateurs», appuie le maire.

Sans attendre la réponse de l’Etat, ces derniers ont déjà tenu une réunion ce crise. «Elle a été organisée par les principaux responsables de manifestations en début d’année, confirme Jean-Marc Guinchard. Les travaux de ce groupe de travail ont été achevés et seront présentés prochainement aux autorités. On doit impérativement trouver des solutions», clament d’une même voix des organisateurs soudés et déterminés à tout mettre en œuvre pour que l’organisation de grands et petits raouts populaires sur le domaine public cesse d’être un véritable chemin de croix.