Une enseignante effectue le salut nazi en classe

C’est l’un des trois cas graves d’antisémitisme recensés en Suisse romande en 2020. Le rapport annuel de la Cicad détaille aussi la hausse des théories du complot juif dans le contexte de la crise sanitaire.

  • La Cicad déplore une hausse constante du nombre d'actes antisémites. 123RF

Une enseignante genevoise qui hurle «Heil Hitler» accompagné du salut nazi en salle de classe. Difficile d’imaginer une telle scène et pourtant c’est l’un de trois cas grave d’antisémitisme en 2020 en Suisse romande. Comme le signale le rapport annuel publié mardi 23 février par la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad). «C’est effarant, c’est vrai, commente son secrétaire général, Johanne Gurfinkiel. Malheureusement, il n’est pas si étonnant que certaines personnes, y compris dans le monde enseignant, portent en eux les marqueurs de la discrimination.» 
Apportant son soutien aux enfants et à leurs parents confrontés à cette situation, la Cicad a fait remonter l’information au Département de l’instruction publique (DIP). «On nous indique simplement que ce cas est à l’étude.» Interrogé par nos soins, le DIP déclare: «Evidemment qu’une telle attitude, si elle est avérée, est inadmissible, en classe comme ailleurs.» Quid des sanctions? «Le DIP n’a pas le droit de s’exprimer sur des cas particuliers, qu’il s’agisse de collaborateurs ou d’élèves.» 
 
Propos discriminatoires sur les réseaux sociaux 
Cette affaire démontre, aux yeux de Johanne Gurfinkiel, «la nécessité d’une plus grande transparence et fermeté mais aussi que des formations s’imposent pour ceux qui seraient en manque de repères sur les thèmes de l’antisémitisme et du racisme». Et de réitérer la proposition de la Cicad de créer des modules d’enseignement dédiés à la lutte contre les discriminations (GHI du 26.08.2020). «Améliorer l’éducation des jeunes générations en la matière est l’une des recommandations du rapport», poursuit le secrétaire général. Un axe d’autant plus crucial au regard de l’importance prise par les réseaux sociaux. 
«La crise sanitaire a engendré une croissance exponentielle des propos discriminatoires en tout genre, les juifs étant principalement accusés d’être responsables de la pandémie», détaille Johanne Gurfinkiel. Que dire des images détournées de politiciens tels que le conseiller fédéral Alain Berset et le conseiller d’Etat Mauro Poggia caricaturés en SS ou en Adolf Hitler? 
 
«Ne pas banaliser»
Pour conclure au sujet du rapport 2020, le secrétaire général tient à relever la baisse du nombre de cas graves mais aussi la hausse constante du nombre d’actes antisémites. «Et cela continue en 2021», déplore-t-il en référence notamment aux morceaux de porc jetés contre les synagogues de Genève et Lausanne en février. «Ces actes ne sont pas banals. De la parole aux actes, il n’y a malheureusement qu’un pas. Nous devons en prendre toute la mesure à la fois politique, juridique et éducative», conclut-il. 
 

«Faire entendre notre voix»

Une autre recommandation s’inscrit dans le registre juridique. La Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) souhaite que les associations puissent se porter partie en cas d’infractions à la norme pénale contre le racisme. «Aujourd’hui, la Cicad peut accompagner une victime, dénoncer des faits mais pas se porter elle-même partie civile, explique le secrétaire général Johanne Gurfinkiel. Résultat, il est souvent impossible de faire entendre notre voix et de faire recours.» Seule exception: si la Cicad est la cible directe de propos ou d’actes antisémites. C’est en s’appuyant sur ce point que l’organisation a porté plainte pour négationnisme et antisémitisme face à l’humoriste controversé Dieudonné, suite à des propos tenus lors de spectacles à Genève et Nyon en 2019. Le procès devrait avoir lieu en 2021.