Coronavirus: la facture d’ambulance le fait tousser

  • André Boccard, un octogénaire genevois, a contacté les urgences car il était enrhumé à son retour de Chine.
  • Une ambulance est envoyée à son domicile pour l’amener aux HUG. Les tests s’avèrent négatifs.
  • Une semaine plus tard, l’octogénaire reçoit une facture de 840 francs pour le trajet en ambulance.

  • André Boccard, 86 ans, a failli tomber de sa chaise en découvrant la facture. MP

    André Boccard, 86 ans, a failli tomber de sa chaise en découvrant la facture. MP

«Que ce soit 840 ou 420 francs, pour une ambulance que je n’ai pas demandée, c’est fort de café!»

André Boccard, retraité

A 86 ans, André Boccard est en pleine forme. Un mot cependant lui donne de l’urticaire: le coronavirus. En ce début d’année, ce jovial retraité a en effet passé une dizaine de jours au Vietnam. A l’aller, comme au retour, il fait escale à l’aéroport de Pékin, en Chine, où il patiente durant quinze heures. Le temps d’acheter soda et biscuits chinois. Qu’il nous propose pour accompagner le café.

«Deux hommes en blanc, comme à la télévision»

De retour chez lui, lundi 20 janvier, André Boccard reprend le cours de sa vie. «A la télévision, j’entendais que les personnes revenant de Chine devaient faire attention. J’étais bien mais un peu enrhumé, explique-t-il. Je commençais à paniquer un peu et je me suis dit qu’il serait peut-être prudent de faire un contrôle.»

Au matin du dimanche 26 janvier, il appelle donc le 144. On l’invite à contacter les urgences des HUG. «Je leur ai expliqué ma situation et ils m’ont dit qu’il fallait que je vienne tout de suite aux urgences. J’ai répondu: OK, j’arrive, le bus 7 m’amène directement à l’hôpital.» Au bout du fil, la réponse ne tarde pas. «Non. Vous ne bougez pas de chez vous, on vous envoie une ambulance.» André Boccard est formel: «On ne m’a pas laissé le choix.» Un point que démentent les HUG (lire encadré).

L’octogénaire s’habille et patiente. Jusqu’à ce que la sonnette retentisse. «En ouvrant, j’ai découvert deux hommes en blanc. Ils avaient la combinaison, celle qui couvre de la tête au pied, comme à la télévision. Les gants et même les lunettes. On aurait dit des Martiens.» André Boccard, ancien pompier volontaire et ex-chauffeur d’ambassadeurs, n’est pas du genre à se laisser impressionner. Il enfile le masque et les gants qu’on lui tend et monte dans l’ambulance.

A son arrivée aux HUG, il s’étonne d’être «traité comme un pestiféré. Tout le monde reculait sur mon passage», précise-t-il. Il est installé dans une pièce avec une jeune femme chinoise, revenant, comme lui, de Chine. «Dix minutes plus tard, ils se sont rendu compte de leur erreur et sont venus me chercher, pour me mettre seul dans une pièce.»

Retour en bus

Suivent des prélèvements, «au fond du nez et dans la gorge», et une prise de température. Vers 15h, les examens prennent fin. «Pour les résultats, il fallait que je rappelle le lendemain matin», raconte André Boccard. En attendant, il peut rentrer. Mais, cette fois, nulle ambulance. Le retour se fait en bus, avec la consigne de garder le masque et les gants et de rester cloîtré chez lui.

Là, à 18h30, le téléphone sonne. «C’est négatif», lui annonce-t-on. Point de coronavirus. Rassuré, l’octogénaire peut dormir sur ses deux oreilles. Il ne sait pas encore que cette mésaventure n’est pas terminée. La suite arrive par courrier: c’est une facture. «840 francs! s’étonne André Boccard. Pour moi, qui vis avec 2000 francs par mois, c’est énorme!» Muni du bordereau, il débarque chez son assureur, persuadé que celui-ci va payer les frais. «On ne couvre que la moitié», lui indique-t-on. «Que ce soit 840 ou 420 francs, pour une ambulance que je n’ai pas demandée, c’est fort de café!» s’indigne André Boccard.

Contactée par nos soins, SK Ambulance confirme et précise: «Pour une urgence non vitale, le montant du transport est de 840 francs. L’assurance de base couvre la moitié et l’assurance complémentaire, l’autre.» Problème: André Boccard n’a pas de complémentaire. «Si vraiment il n’y arrive pas, il peut payer en deux ou trois fois.»

Pas de quoi apaiser l’octogénaire qui depuis plusieurs jours se noie sous la paperasse. Sans compter la nouvelle facture, qui lui a été adressée lundi 10 février, de la part des HUG cette fois, d’un montant de 966, 80 francs. De quoi le rendre malade...

«On n’impose jamais une ambulance»

La tension est montée d’un cran dans la région le week-end passé avec l’annonce de cinq cas de Coronavirus – «sans gravité», selon la ministre française de la Santé – aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie, à 60 km à vol d’oiseau de Genève. «En cas de toux et de symptômes respiratoires dans les quatorze jours suivant le retour à domicile, contacter un médecin ou un service de consultations médicales à domicile en signalant le voyage en Chine», préconise l’Etat de Genève sur son site internet. Le retraité genevois, André Boccard a donc fait tout juste. Etait-il nécessaire de lui envoyer une ambulance? Si oui, pourquoi a-t-il pu rentrer en bus? Et, est-ce à lui de régler la facture? Autant de questions que nous avons posées aux HUG. «Nous ne commentons jamais les situations individuelles», répond par écrit le porte-parole Nicolas de Saussure. Avant d’ajouter: «Le 144 et les urgences des HUG n’imposent jamais une ambulance. Il peut arriver qu’ils la proposent aux personnes, lesquelles prennent la décision de la prendre ou non. Les frais d’ambulance et de soins sont mis à la charge de la personne qui en est la bénéficiaire.» Et de renvoyer à «l’Espace médiation qui se charge d’analyser les situations et de trouver des solutions».

Hotline à disposition des Suisses ayant des questions relatives au coronavirus nCoV 2019: 058 463 00 00