«A l’heure actuelle, nos efforts se concentrent sur la recherche de personnes»
Major Laurent Canel, chef du Centre opérations et planification de la police genevoise
Il est 6 heures du côté de Céligny un matin de juillet. La température ambiante est encore fraîche. Robert, sergent-chef au groupe drones de la police genevoise, est prêt pour l’opération «sauvetage des faons», une mission mise sur pied par la Fédération cynégétique genevoise en partenariat avec AgriGenève et l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature. Equipé d’un drone avec caméra thermique pouvant voler jusqu’à 50 mètres de hauteur, le policier explique: «Avant de moissonner, un agriculteur a demandé de l’aide pour voir si un faon n’était pas caché dans son champ.» Il faut savoir que le moment de la fauche coïncide avec la période de mise à bas des femelles. Dans notre pays, environ 3000 faons sont tués chaque année sous les lames des moissonneuses.
Source de chaleur
L’agent de police indique rechercher des sources de chaleur dans les champs. Peut-être de petits «Bambi». En réalité, il s’agit aussi d’un entraînement pour la police qui se perfectionne dans le maniement de ce drone, acquis récemment. Sur un écran, on voit défiler des images montrant les sources de chaleur. A priori, pas de faon. Si le sergent-chef s’entraîne avec ces petits animaux, le but est de pouvoir retrouver des personnes disparues. «A l’heure actuelle, confirme le major Laurent Canel, chef du Centre de planification des opérations de la police genevoise, nos efforts se concentrent sur la recherche de personnes.»
Complément à l’hélicoptère
Cet objet volant de cinq kilos peut être utilisé sur de petites surfaces à couvrir. «Il s’agit d’avoir le meilleur ratio possible dans la proportionnalité de l’engagement des moyens», poursuit Laurent Canel. D’une autonomie de quarante-cinq minutes environ, le drone constitue un complément à l’engagement d’hélicoptères qui permettent principalement de vérifier les zones difficilement accessibles par le personnel au sol (lacs, cours d’eau, falaises, cultures, roselières, marais, etc.). Bien sûr, les drones ne se substituent pas à l’hélicoptère, mais permettent déjà une première intervention, histoire d’effectuer «une levée de doutes», comme on dit dans le jargon policier.
Du côté de Céligny, Robert manipule son drone en guidant par talkie-walkie les personnes au sol. En quelques secondes, l’appareil peut dire s’il a détecté ou non une source de chaleur. Si l’on retrouve un faon, on pourra le protéger en le couvrant d’une caisse, munie d’un drapeau, histoire que l’agriculteur puisse faucher en passant autour. «Il arrive aussi que les animaux s’en aillent d’eux-mêmes», poursuit le policier. Ce matin d’été du côté de Céligny, aucun faon n’a été détecté. Mais le système, utilisé dans plusieurs cantons et testé pour la première fois à Genève cette année, est efficace à cent pour cent. Selon Anne Munzinger, présidente de la Fédération cynégétique genevoise, 17 faons ont ainsi pu être sécurisés et 88 parcelles contrôlées.
Accidents et délits graves
Robert range son matériel avec précaution. Il sait que dans toute mission de police, une conduite efficace des opérations est tributaire, entre autres, de la qualité de l’information et du renseignement disponibles dans les délais les plus courts. Le drone testé pour le sauvetage des faons doit servir pour la recherche de personnes disparues, mais aussi pour les relevés d’accidents de circulation et de plans photographiques lors de délits graves ou de crimes.
Sauver les faons pour les abattre cet automne
C’est tout le paradoxe de la démarche initiée par la police genevoise. D’un côté, les bêtes sont sauvées au moyen des drones. Et de l’autre, leur surnombre pousse les autorités à prendre des mesures pour les éliminer. Comme l’atteste la récente décision du Conseil d’Etat d’autoriser les tirs de régulation du chevreuil dans le Mandement jusqu’au 31 janvier 2020. But avoué? Eliminer les bêtes en trop qui endommagent les cultures viticoles et fruitières de la région. En 2018, 25 animaux ont ainsi été tués par les agents de l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature. A noter que les bêtes tuées finiront dans les assiettes des Genevois. Au préalable, elles seront vendues à la boucherie du Palais (Carouge) qui a remporté l’appel à candidatures. (FB)