En 2020, l’économie genevoise devrait ralentir

  • A Genève, l’incertitude et la fragilité domineront l’économie ces douze prochains mois.
  • En cause, les tensions commerciales mondiales et le ralentissement de la zone euro.
  • Du côté des entreprises, l’entrée en vigueur de la réforme fiscale pourrait créer de nouveaux emplois.

  • Les petits commerces devront encore faire preuve de résilience pour survivre. 123RF/ PISUT VEERAHONG

    Les petits commerces devront encore faire preuve de résilience pour survivre. 123RF/ PISUT VEERAHONG

«Nous ne sommes pas à l’abri de crises ou d’événements imprévus dans le monde»

Sophie Dubuis, présidente de la Fédération du commerce genevois

A chaque début d’année, c’est le même refrain. Les prévisions économiques se multiplient avec leur lot de chiffres et autres tendances. En 2020, c’est l’incertitude qui s’impose. Et, c’est bien connu, incertitude et économie ne font jamais bon ménage. Pas étonnant dès lors que Giovanni Ferro-Luzzi, professeur d’économie à la Haute école de gestion (HEG) et à l’Université de Genève (Unige), fasse preuve d’un certain pessimisme: «La plupart des indicateurs montrent que l’économie genevoise devrait ralentir, sans nécessairement affronter une diminution trop importante de l’activité qui la pousserait à la récession.»

Croissance prévue de 1,5%

Même son de cloche de la part de Véronique Kämpfen, directrice de la communication à la Fédération des entreprises romandes: «Ces derniers mois, le dynamisme de l’économie genevoise s’est quelque peu tassé.» Avant de rassurer: «Malgré cela, les entreprises sont satisfaites de la marche des affaires dans la majeure partie des secteurs. Cette année, le PIB genevois devrait progresser d’environ 1,5% selon le Groupe de perspectives économiques.»

Quant à Sophie Dubuis, présidente de la Fédération du commerce genevois, elle rappelle la fragilité d’une conjoncture particulièrement dépendante de l’extérieur: «Il faut garder une certaine prudence, car nous ne sommes pas à l’abri de crises ou d’événements imprévus qui peuvent avoir un impact considérable.»

Les principales menaces pour l’économie genevoise résident donc en dehors de ses frontières. Comme le rappelle Giovanni Ferro-Luzzi: «Les incertitudes sont encore vives en ce qui concerne les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, l’interminable feuilleton du Brexit ou encore l’octroi de l’équivalence boursière par l’Union européenne à la place financière suisse. Il y a aussi l’épée de Damoclès liée à l’implantation incertaine d’Amazon en Suisse qui pourrait menacer certaines entreprises actives dans le commerce de détail. Enfin, le Léman Express devrait fluidifier le trafic en déchargeant une partie des actifs transfrontaliers vers les transports publics.»

Un espoir nommé RFFA

Dans ce nuage d’incertitudes, l’entrée en vigueur le 1er janvier 2019 de la Réforme de la fiscalité et du financement de l’AVS (RFFA) pourrait avoir un impact positif sur le taux de chômage dans le canton. Ce que sous-entend Sophie Dubuis: «La RFFA permet de mettre en place un système d’imposition des entreprises qui soit compétitif et conforme aux exigences internationales, c’est donc une bonne nouvelle pour les emplois.» Véronique Kämpfen ajoute: «Cette réforme de l’imposition des entreprises met fin à une inégalité entre les entreprises en fixant un seul taux d’imposition sur le bénéfice pour l’ensemble des sociétés, quel que soit leur statut, à 13,99% à Genève. Ce qui aura un impact dynamique sur l’économie.»

Giovanni Ferro-Luzzi tient cependant à nuancer: «Les effets sont difficiles à prévoir, car ils dépendront du comportement des entreprises. Les PME qui sortent gagnantes du nouveau système pourraient employer ces économies d’impôts à des investissements ou non. Un comportement attentiste ne peut pas être exclu.»

Quant aux multinationales, qui verront leur facture fiscale augmenter, elles pourraient être tentées par un gel des embauches ou des investissements. Ce que s’apprête à faire l’industrie des machines qui a vu ses exportations chuter l’an dernier à cause du renchérissement du franc suisse. Une situation qui inquiète Philippe Cordonier, responsable romand de Swissmem*: «En l’espace de quinze mois, le volume des entrées de commandes a diminué de 27%. Dans ce contexte économique difficile, les entreprises industrielles sont soumises à une forte pression.»

Chômage partiel annoncé

Sur le plan national enfin, les nouvelles ne sont pas fameuses. Dans sa dernière prévision, la faîtière Economiesuisse s’attend à une croissance du PIB de 1,2% en 2020: «La croissance économique globale fragile sera responsable de la légère hausse du taux de chômage à 2,5% en moyenne annuelle. Un nombre croissant d’entreprises exportatrices auront recours à l’instrument du chômage partiel.» Quant au Centre de recherches conjoncturelles (KOF), ses prévisions ne sont guère plus optimistes: «Le ralentissement de la conjoncture mondiale et la faible croissance observée dans la zone euro, en particulier dans l’industrie allemande, affectent l’économie suisse.» * Association faîtière des PME et des grandes entreprises de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux

Les commerçants devront se battre

Ces douze prochains mois, les petits commerces devront une nouvelle fois faire preuve de résilience pour survivre. Comme le confirme Sophie Dubuis, présidente de la Fédération du commerce genevois: «En plus des nouveaux styles de consommation et de la vague anticonsumériste qui avance, ils subissent les pressions des loyers, les tensions syndicales, les contraintes des réglementations toujours plus nombreuses ou encore certaines aberrations administratives de la part des autorités. Il leur faudra donc rester motivés, s‘adapter et trouver des innovations pour satisfaire et attirer les clients.» Et d’ajouter: «Au centre des préoccupations, il y a l’écoute du consommateur pour parvenir à satisfaire ses attentes et garder un lien dans un monde où tout va de plus en plus vite et dans lequel le digital pourrait prendre le dessus sur l’humain. Heureusement, on constate dans les magasins que ces deux aspects se côtoient de plus en plus. Je veux croire à un besoin de contacts humains pour consommer mieux et à la prise de conscience des autorités sur la situation difficile des commerces.»