Femmes tabassées: pas de procès avant 2020

  • Il y a un peu plus d’un an, cinq jeunes femmes étaient rouées de coups au petit matin en Vieille-Ville.
  • L’instruction menée en France a permis une cinquième arrestation au printemps.
  • Une commission rogatoire internationale a été demandée au pouvoir judiciaire genevois. Le point sur la situation.

  • L’agression avait eu lieu le mercredi 8 août, vers 5h du matin, au-dessus de la place des Trois-Perdrix. FRANCIS HALLER

    L’agression avait eu lieu le mercredi 8 août, vers 5h du matin, au-dessus de la place des Trois-Perdrix. FRANCIS HALLER

  • L’avocat Robert Assaël. MP

    L’avocat Robert Assaël. MP

«La longueur de la procédure est, pour les victimes, difficile à supporter»

Robert Assaël, avocat de quatre des victimes

L’agression remonte au 8 août 2018. Ce matin-là, place des Trois-Perdrix, au pied de la Vieille-Ville, cinq femmes sont violemment tabassées. C’était il y a plus d’un an et il faudra attendre 2020 pour qu’un procès ait lieu. Un délai «difficile à supporter» pour les victimes, selon les mots de l’avocat de quatre d’entre elles, Me Robert Assaël.

Détention provisoire prolongée

L’instruction, aux mains de la justice française, est toujours en cours. Ils sont désormais cinq hommes, âgés de 20 à 25 ans, mis en examen pour violences volontaires et tentative d’homicide. Pour rappel, quatre arrestations avaient eu lieu fin 2018. Le vice-procureur de la République d’Annecy (France), Pierre Filliard, nous révèle que, «suite aux déclarations du quatuor, un cinquième individu a été interpellé au printemps». Ce dernier est le seul à rester en liberté dans l’attente du procès.

Les quatre autres sont derrière les barreaux depuis leur arrestation. Et, pas plus tard que vendredi 6 septembre, le juge des libertés et de la détention a décidé de prolonger leur détention provisoire. «La violence des comportements ainsi que les antécédents judiciaires des mis en examen a sûrement joué un rôle dans sa décision», estime le vice-procureur haut-savoyard.

Les cinq inculpés, originaires de la région de Thonon et n’ayant aucun lien de parenté entre eux, ont tous un casier judiciaire portant pêle-mêle les mentions de recels, vols, extorsions, violences aggravées ou encore appels téléphoniques malveillants.

«Pour l’un des agresseurs, l’expert psychiatre a retenu une dangerosité psychiatrique et criminologique, notamment au regard de 13 condamnations antérieures», précise Me Robert Assaël. L’avocat genevois n’a de cesse de souligner la brutalité de ce tabassage: «Donner un coup de pied à la tête comme un footballeur tire un penalty dénote la violence extrême, bestiale et gratuite des agresseurs.» Et de rappeler que l’une des victimes a vu son pronostic vital engagé tandis que, plusieurs jours après les faits, une autre portait encore les traces de chaussures de son assaillant sur le visage. «Elles n’oublieront jamais», lâche-t-il.

Si les unes et les autres ont pu donner des indications, notamment de tenues vestimentaires qui permettent d’identifier certains des agresseurs, le rôle exact des mis en examen reste difficile à déterminer. D’autant que «tous nient leur participation directe aux faits», stipule le vice-procureur Pierre Filliard.

Ils confirment uniquement leur présence sur les lieux mais en tant que simples spectateurs de la scène. «Lâchement, aucun des auteurs n’assume ses actes, s’insurge Me Robert Assaël. Ils ne s’en souviennent pas ou les contestent. Leurs dénégations vont à l’encontre des évidences du dossier et aggravent les souffrances des victimes.»

Des photos des lieux

Résultat, les enquêteurs français peinent à établir qui a fait quoi. Pour tenter d’y voir plus clair, une commission rogatoire internationale a été transmise à la justice genevoise juste avant l’été. «Nous exécutons l’entraide qui est sur le point d’aboutir», indique à ce sujet le Ministère public.

«L’idée, c’est notamment de mieux comprendre la configuration des lieux grâce à des photographies», selon Pierre Filliard. Me Assaël aurait, quant à lui, préféré une reconstitution. Mais, l’organiser s’avérait compliqué.

Craintes des représailles

A Annecy, le juge d’instruction espère boucler son dossier en début d’année 2020. Il s’agira alors de déterminer si la tentative d’homicide est maintenue. Si c’est le cas, l’affaire passera devant la cour d’Assises de Haute-Savoie (France). Le planning des audiences étant particulièrement chargé, le procès ne pourrait être traité avant l’automne 2020. Si seules les violences aggravées étaient retenues, c’est devant le Tribunal correctionnel que les auteurs présumés comparaîtraient. Peut-être avant l’été.

Une attente difficile pour les victimes, comme le martèle leur avocat, avant de conclure en leur rendant hommage: «Mes clientes ont eu un courage extraordinaire de s’engager dans cette procédure, alors qu’elles avaient des craintes de représailles. Elles le font pour qu’une telle barbarie ne se reproduise plus!»

Le rappel des faits

C’est au petit matin, place des Trois-Perdrix, que l’agression a eu lieu. Les faits remontent au mercredi 8 août 2018. Il est 5h quand une jeune femme se fait insulter par plusieurs hommes qui sortent de la boîte de nuit située non loin de là, le Petit Palace. Les coups pleuvent: de pied, de poing mais aussi avec une béquille. Quatre femmes, dont une ancienne employée de la discothèque, assistent à la scène et décident d’intervenir. Elles sont à leur tour rouées de coups. Notamment en pleine tête pour l’une d’entre elles. Les cinq victimes, nées entre 1985 et 1996, se retrouvent à l’hôpital. Deux d’entre elles sont grièvement blessées. Le pronostic vital de l’une des jeunes femmes est engagé. Elle sortira finalement du coma quelques heures plus tard, le mercredi après-midi, «mais reste, encore aujourd’hui, fortement atteinte», précise son avocat, Me Robert Assaël.