Ils sont parents mais aussi proches aidants

  • A l’occasion de la journée intercantonale des proches aidants, Sylvanne, Philipp et leur fils Sven nous ouvrent leur porte à Bellevue. Rencontre.
  • A Genève, une personne sur quatre, de plus de 15 ans, soutient un proche malade, âgé ou atteint d’un handicap.
  • Pour l’édition 2020, entièrement digitalisée, une bande dessinée et des témoignages vidéo sont à découvrir sur Internet.

  • Sven avec ses parents Philipp et Sylvanne sur le seuil de leur maison à Bellevue. STéPHANE CHOLLET

    Sven avec ses parents Philipp et Sylvanne sur le seuil de leur maison à Bellevue. STÉPHANE CHOLLET

«C’est tout pour lui et rien que pour lui»

Sylvanne, la maman de Sven

Il est 17 heures quand Sven franchit le seuil de la maison. Son accompagnant l’aide à quitter son manteau humide. Tout sourire, Sylvanne prévient avec douceur: «Il va venir voir qui est là. Il va vous faire son regard de travers et sûrement essayer de vous arracher vos lunettes, peut-être aussi vos boucles d’oreilles.»

Cette maman attentionnée connaît bien son grand garçon de 19 ans. Ce dernier pénètre dans la pièce, s’interroge visiblement sur la présence d’une inconnue, avant de se diriger sans un mot vers son père et de répéter un geste bien précis. «Ça signifie qu’il a faim. C’est un estomac sur pattes, s’amuse Philipp. Il vient me voir plutôt que sa mère car il sait que je craque plus facilement.» Pas loupé! Le papa gâteau file à la cuisine chercher des figues fraîches.

«Tout pour lui, rien que pour lui»

Quand Sven est là, toute l’attention du couple se porte sur lui. Ses besoins, ses réactions, ses mouvements deviennent la seule préoccupation. «C’est tout pour lui et rien que pour lui», lance Sylvanne. La surveillance est permanente. «On doit veiller à fermer le portail sinon on le retrouverait sur la route. S’il y a un caillou dans le jardin, il peut le lancer sur le pare-brise de la voiture.» C’est aussi pour éviter ce type de dégâts que les poignées des fenêtres ont été retirées, qu’il n’y a aucun meuble superflu et qu’aucun objet ne traîne dans la maison.

«Une fois, se souvient Philipp, j’ai laissé la porte de la salle de bain ouverte alors que j’étais dehors. Ça a pris dix minutes… Quand je suis rentré, Sven avait vidé tous les flacons, il avait ouvert les robinets. L’eau débordait partout. C’était un désastre», raconte-t-il, tout en riant de l’anecdote. Pas de place non plus pour l’imprévu. Tout est méga organisé.

Un quotidien que l’on imagine harassant. Tel est en effet le problème principal qui guette les proches aidants: l’épuisement. Et ce, sans qu’ils s’en rendent forcément compte. D’où le test appelé le mini-Zarit. D’autant que pour nombre d’entre eux, il faut concilier cette vie privée au rythme intense avec la vie professionnelle.

L’accès à l’information

Sylvanne et Philipp travaillent tous les deux. Elle à 80% et lui à 100%. Les premières années, les deux grands-mères sont venues en renfort. Mais, vers les 9, 10 ans de Sven, la charge est devenue trop lourde pour des personnes âgées. Les parents font alors une demande de contribution d’assistance. De quoi leur permettre en dehors des heures en institution d’employer un accompagnant pour leur prêter mains fortes. «On aurait pu solliciter cette aide avant mais on ne savait pas que ça existait», précise Philipp.

Renforcement des aides publiques

C’est en effet un des obstacles majeurs rencontrés par les proches aidants: l’accès à l’information. Pour y remédier sont nées la journée intercantonale des proches aidants, le 30 octobre et d’autres opérations de communication (lire encadré). Le tout s’accompagnant d’un renforcement des aides publiques. A l’image des nouvelles mesures adoptées en décembre 2019 par le parlement et qui entreront en vigueur le 1er janvier 2021. «Le fait d’être proches aidants va être pris en compte pour le calcul de notre retraite, commente Philipp. Cela compense la baisse de l’AVS liée à la baisse du temps de travail.» Mais c’est aussi une reconnaissance essentielle. «Même si, pour nous, on n’est pas proches aidants, c’est juste notre rôle de parents», affirme Sylvanne, tout en tendant une bouchée de pâtes bolognaise à son fils.

Le dessinateur Barrigue publie «Oh vieillesse! La galère des proches aidants» aux édition Slatkine, dont le dessin de couverture illustre notre Une. Il dédicacera son livre à Payot Cornavin le 30.10 de 17h30 à 19h et au Café Slatkine le 1.11 de 10h à 12h.

«Un engagement essentiel»

La journée intercantonale des proches aidants, c’est vendredi 30 octobre. L’occasion pour les autorités des huit cantons concernés d’exprimer aux proches aidants leur «profonde reconnaissance pour leur engagement essentiel». Covid-19 oblige, l’édition 2020 est entièrement digitale. Sur le site de l’Etat de Genève, la campagne bat son plein. On y découvre une bande dessinée qui met en scène Hervé, 45 ans, qui s’occupe de sa mère âgée de 81 ans ainsi que Nathalie, une trentenaire divorcée, maman de Samuel et d’Emma, 5 ans, handicapée moteur. Quelques-unes des réalités qui concernent pas moins d’un Genevois (âgé de 15 ans ou plus) sur quatre.

Pour comprendre leur quotidien, la campagne propose aussi des témoignages en vidéo. Le site internet rappelle les informations essentielles telle que la ligne Proch’info au 058 317 7000. Mais aussi l’existence de formations pour les proches aidants. Ou encore de la carte d’urgence. «Si un proche aidant est hospitalisé, cette carte permet d’organiser une prise en charge de la personne aidée en attendant que son proche aidant aille mieux», précise Véronique Petoud, déléguée cantonale aux proches aidants, un poste nouvellement créé. Une preuve de plus, selon elle, de «la détermination de l’Etat pour développer une politique de soutien efficace et répondre aux besoins croissants en la matière».

www.journee-proches-aidants.ch
proches-aidants.ge.ch