La Ville traque les épaves de vélos

  • La Municipalité de Genève débarrasse les nombreuses bicyclettes abandonnées dans l’espace public.
  • Rien qu’en une journée, 86 cycles délabrés ont été récupérés le mercredi 3 mars.
  • Reportage au cœur d’une opération de nettoyage qui a aussi pour but de sécuriser les rues et de recycler.

  • Les vélos retirés de la voie publique sont déchargés au local de la coopérative autogérée Péclôt 13 à la Servette. STéPHANE CHOLLET

    Les vélos retirés de la voie publique sont déchargés au local de la coopérative autogérée Péclôt 13 à la Servette. STÉPHANE CHOLLET

«Il y en a qui sont là depuis quatre ou cinq ans!

Un cycliste

Le camion est plein à craquer. Au local de la coopérative autogérée Péclôt 13, avenue du Bouchet, à la Servette, il est temps de décharger. Dans cet imposant bric-à-brac, on trouve pêle-mêle: un vélo rose pour enfant à la chaîne rouillée, un modèle de course sans selle ou encore une bicyclette – forcément bleue – à la roue avant tordue.

«En tout, aujourd’hui, on a 86 épaves à récupérer. Rien que pour le secteur de la Jonction», commente Thomas, agent du service logistique et manifestations (LOM) de la Ville de Genève. Objectif: débarrasser la cité des vélos délabrés qui pullulent dans l’espace public. Selon ce solide gaillard, constructeur métallique de profession, la mission devrait prendre un an, à raison d’un jour par semaine.

En ce mercredi 3 mars, la première partie de la tournée a été fructueuse. Il faut dire que Thomas et son collègue Fred sillonnent le quartier depuis 6h. Le duo est accompagné de deux agents de police municipale (APM). «Ils nous indiquent les vélos à embarquer», précise Thomas.

Munis d’une petite collerette rose

L’APM Tiago explique: «On fait le tour de notre secteur en amont à la recherche des épaves. Il faut vraiment que le vélo soit en très mauvais état. Une simple roue dégonflée ne suffit pas. Sur place, on procède à un constat, on note le lieu, on prend le vélo en photo et on lui accroche une petite collerette rose.» Joignant le geste à la parole, Tiago tend un exemplaire de ce bracelet coloré. On peut y lire: «Vélo considéré comme épave, mis en fourrière ou détruit sous 15 jours», ainsi que la date du constat.

L’éventuel propriétaire est ainsi averti et prié de faire le nécessaire s’il ne veut pas que son bien parte à la benne. «On regarde aussi le numéro de châssis que l’on entre dans une base de données de la police. Si le vélo a été volé, on avertit son propriétaire», indique Tiago.

La marche à suivre est désormais très claire. Pour cause: le processus a été récemment revu et corrigé. Et un partenariat a été scellé entre la Ville de Genève et Péclôt 13 (lire encadré). «Avant, on jetait les épaves, précise Stéphane, membre de la coopérative autogérée. La nouvelle convention nous permet de faire de la récup.» Ici une roue, là un cadre ou un pédalier. Quant aux carcasses trop abîmées, elles sont désossées dans un atelier de la Brenaz, l’établissement pénitentiaire de Puplinge.

Epingles à vélo libérées

Le camion déchargé, le quatuor LOM et APM repart sur le terrain. Direction la rue des Sources, à Plainpalais. Suivant les indications de Tiago, Thomas joue de la disqueuse pour faire sauter le cadenas d’un vélo délabré. Quelques étincelles plus tard, l’épave est embarquée. «Vous ne prenez pas le mien hein?» s’enquiert un passant inquiet. «Non non, on enlève que les épaves», le rassure le second APM, Laurent. «Ah oui, poursuit le cycliste. Tant mieux, il y en a qui sont là depuis quatre ou cinq ans!» Et Laurent de conclure que «cela permet aussi de libérer des épingles à vélo pour les usagers».

Un triple objectif

Stéphane, membre de Péclôt 13, explique: «On avait déjà ce rôle de fourrière à vélos, au nom de l’Etat de Genève. Mais, on perdait beaucoup d’argent avec cette activité.» En novembre 2019, la coopérative autogérée et autofinancée a donc dénoncé la convention qui la liait à l’Office cantonal des véhicules (OCV). Et a entamé des discussions avec la Ville de Genève cette fois. Sous l’égide de la conseillère administrative chargée de la Sécurité, Marie Barbey-Chappuis, un accord a été trouvé. «L’objectif est triple, détaille-t-elle. D’abord assurer la propreté du domaine public. S’ajoute l’aspect sécuritaire car les pièces rouillées et tranchantes de certaines épaves de vélo peuvent représenter un danger. Enfin, cette opération permettra de libérer des épingles.» Quel impact sur les finances de la Ville? «Aucune rémunération ne sera versée à Péclôt 13», précise la magistrate, qui qualifie le partenariat de «gagnant-gagnant».