A l’EMS Les Charmettes, «c’est Koh-Lanta!»

  • Accueillant des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs, l’établissement situé à Bernex a dû rivaliser d’imagination pour faire face à la crise.
  • Une aile a été dédiée aux résidents atteints du Covid-19. De quoi accueillir aussi des malades venus de l’extérieur.
  • Au total, 23 EMS ont été touchés par la pandémie. Ils ne sont plus que huit aujourd’hui. Reportage.

  • Aux Charmettes, les visites, un temps interdites, ont pu reprendre, avec les mesures de sécurité. STéPHANE CHOLLET

    Aux Charmettes, les visites, un temps interdites, ont pu reprendre, avec les mesures de sécurité. STÉPHANE CHOLLET

  • Le tee-shirt illustré par un dessin de la Genevoise Albertine. STÉPHANE CHOLLET

«Il a aussi fallu rassurer et sensibiliser le personnel»

Mikaëla Halvarsson, directrice

En ce mercredi matin, Jacqueline reçoit de la visite. Dans le jardin de l’EMS Les Charmettes à Bernex, où elle réside, Catherine et Serge, ses enfants, débarquent sur le coup dès 11h30. S’asseyant à bonne distance de leur mère, ils prennent des nouvelles. «Je ne peux pas te faire de bisous, parce qu’il se passe des choses bizarres», regrette Catherine en envoyant des baisers avec sa main. Des choses bizarres, les résidents de l’établissement médico-social en ont vécu beaucoup ces dernières semaines. Tout comme le personnel.
Face à l’épidémie de coronavirus, il a fallu s’adapter. Vite et sans susciter la panique. «Notre établissement accueille des personnes avec des troubles cognitifs, explique la directrice Mikaëla Halvarsson. Déjà en temps normal, il faut faire preuve d’agilité, d’adaptabilité et même de poésie avec nos résidents. Alors, avec la pandémie, c’est Koh-Lanta!»
 
La peur du masque

La première semaine, lors du début du semi-confinement mi-mars, le port du masque par le personnel a créé une montée d’angoisse. «Les résidents voulaient fuir», se rappelle la responsable. Pour cause, les personnes souffrant de démence ont des difficultés de compréhension des mots. «Ils s’appuient beaucoup sur les expressions du visage pour saisir un message ou une situation. Il ne faudrait pas que le port du masque dure des années. Ou alors il faudra créer un masque transparent», préconise la directrice.
Au début de la crise, l’inquiétude s’est aussi fait ressentir chez les collaborateurs. «Je leur ai expliqué que, seule, je n’allais pas y arriver. Il a fallu les rassurer et les sensibiliser.» Avec l’appui de la task force EMS, Mickaëla Halvarsson déploie rapidement un plan d’action. 
Un des six lieux de vie de l’EMS est transformé en lieu de quarantaine. «Nous avons eu trois cas de Covid-19 parmi nos résidents, souligne la directrice. Un décès est survenu rapidement. Mais, on s’y attendait.» Les deux autres malades intègrent l’aile Tamaris. «Il nous fallait un espace suffisamment vaste pour qu’ils puissent continuer à se promener», détaille-t-elle. Dans la cour, un piano fleuri apporte une touche musicale printanière. Un petit chien se balade entre les fauteuils de la salle à manger. «C’est Mutzi!» Il est arrivé en même temps que ses maîtres. Car, l’EMS a aussi accueilli, dans cette aile dédiée, sept personnes âgées atteintes du virus et venant d’autres établissements et hôpitaux. «En vacances Covid-19 aux Charmettes!» ironise Mickaëla Halvarsson. 
 
Un tee-shirt dessiné par Albertine

Hormis ce lieu de quarantaine, l’EMS a connu de nombreuses adaptations. «Nous avons commandé des masques et du désinfectant, précise-t-elle. Nos fées du logis passent plus régulièrement et sont particulièrement vigilantes avec les poignées de porte par exemple.» Car, c’est aussi l’un des problèmes: les résidents touchent tout et veulent souvent embrasser ou prendre dans leurs bras leur entourage. «D’habitude, on est beaucoup dans le contact, la promiscuité avec eux. Or, là, nous sommes de potentiels vecteurs du virus. Il a donc fallu adapter nos comportements», souligne la directrice. 
Par exemple, le personnel arbore désormais un tee-shirt coloré. Sur lequel la distance de sécurité d’un mètre est illustrée par la dessinatrice genevoise Albertine. Des ateliers pour apprendre à se laver les mains correctement ont vu le jour. «Parmi les résidents, nous avons un ancien médecin. Il montre aux autres comment procéder. Sa mémoire des gestes est intacte.» 
Après avoir été un temps interdites, les visites ont pu reprendre, avec des adaptations. Elles se passent dans le jardin, à l’ombre des arbres, dans deux lieux baptisés «A la belle rencontre». Une ou deux familles, pas plus, sont accueillies juste avant le repas. Il est d’ailleurs temps pour Catherine et Serge de quitter le jardin, en embrassant leur maman… De loin évidemment!

Quelque 250 résidents guéris

Selon les derniers chiffres de la task force EMS au 10 mai:

• Le pic a été atteint autour du 8 avril, avec 200 résidents d’EMS testés positifs. Depuis ce nombre a fortement diminué et est désormais de 25 cas confirmés.

• Quelque 250 résidents sont guéris à ce jour.

• En tout, 23 établissements ont été touchés sur 54. Aujourd’hui, ils ne sont plus que huit.

• Au total, 127 résidents des EMS sont décédés des suites du Covid-19,

à l’EMS ou à l’hôpital, avec un pic durant la première semaine d’avril, en net recul ces trois dernières semaines.

• C’est dans leur lieu de vie que 80% des résidents des EMS sont décédés.