Les riches contribuables quittent Genève

  • En l’espace de sept ans seulement, 109 personnes au bénéfice du forfait fiscal ont délaissé le canton.
  • Une taxation trop lourde de la fortune, le franc fort et un coût de la vie élevé expliquent cet exode.
  • Genève se place à la 69e position des villes où il fait bon vivre pour les expatriés, loin derrière Bâle 10e.

  • A Genève, les contribuables au forfait représentent plus de 150 millions de francs d’impôts par année. 123RF/TYLER OLSON

    A Genève, les contribuables au forfait représentent plus de 150 millions de francs d’impôts par année. 123RF/TYLER OLSON

«Le canton de Genève est de moins en moins attractif pour les personnes fortunées»

Xavier Oberson, professeur de droit fiscal à l’Université de Genève

Genève n’attire plus les grandes fortunes de ce monde. En 2012, le canton comptait encore 710 personnes au bénéfice du forfait fiscal. Sept ans plus tard, ce chiffre a considérablement baissé comme le confirme Tatiana Oddo Clerc, secrétaire générale adjointe au Département des finances et des ressources humaines (DF): «Un recensement réalisé en automne 2019 indique que le nombre de contribuables au forfait établis à Genève se monte actuellement à 601.»

Perte pour l’économie

Une baisse de plus de 15% qui inquiète Lorenzo Croce, responsable wealth planning au sein du family office genevois Onyx & Cie: «Au-delà des pertes fiscales pour le canton et les communes, c’est toute une partie de l’économie genevoise qui bénéficie de la présence de ces riches contribuables chez nous, notamment en termes d’emploi et de consommation. On pensera par exemple au personnel de maison, aux banquiers, avocats et écoles privées, mais également aux restaurateurs et commerçants.»

Tatiana Oddo Clerc préfère nuancer: «On ne peut pas parler de baisse. Cette variation n’est pas suffisante pour être qualifiée d’inquiétante. Il s’agit d’une variation naturelle du nombre de contribuables.»

Baisse d’attractivité

Reste que l’enjeu est de taille car les contribuables au forfait représentent une manne annuelle de plus de 150 millions de francs pour le canton. Ce dernier serait-il devenu moins intéressant pour les grandes fortunes? Lorenzo Croce en est convaincu: «Ces départs démontrent une baisse d’attractivité. Pour les non-Européens, le forfait minimum est fixé à Genève aux alentours de 825’000 francs, montant qui est taxé comme du revenu. Soit environ 39% pour un couple marié en Ville de Genève [soit 321’750 francs]. Ce seuil est prohibitif en comparaison internationale. A titre d’exemple, il est possible de prendre la résidence fiscale en Italie durant quinze ans en échange d’un impôt forfaitaire annuel de 100’000 euros [110’000 francs]. A cela s’ajoutent le franc fort et le fait que le coût de la vie en Suisse est important même pour les familles fortunées qui ont un train de vie élevé et qui ont constitué leur fortune en monnaie étrangère.»

Durcissement en 2021

Autre écueil de taille: à partir du 1er janvier 2021, la législation fédérale pour les contribuables au forfait se durcira encore. Avec pour conséquence, une hausse des impôts.

Ce qui n’inquiète pas outre mesure Tatiana Oddo Clerc: «Il est difficile d’évaluer l’impact que ce changement législatif aura sur l’évolution du nombre de contribuables forfaitaires à Genève.» Et Lorenzo Croce de mettre en garde: «Les familles fortunées demeurent très mobiles. La fiscalité y joue un rôle considérable et malgré la baisse du taux d’imposition des entreprises, Genève doit maintenant faire un pas vers les personnes physiques qui sont lourdement taxées.»

De son côté, Xavier Oberson, professeur de droit fiscal à l’Université de Genève, conclut: «Le canton de Genève est de moins en moins attractif pour les personnes fortunées en raison du taux d’imposition sur la fortune qui est le plus élevé de Suisse. En outre, cet impôt n’existe pratiquement plus au niveau international.»

Les expats de moins en moins séduits

Selon le dernier classement élaboré par le réseau InterNations, Genève arrive à la 69e position des villes où il fait bon vivre pour les expatriés. Un rang peu flatteur qui s’explique surtout par la faible «socialisation» proposée par la cité de Calvin. En d’autres termes, les expatriés ont de la peine à s’intégrer à Genève. Autre point faible, la difficulté toujours croissante de trouver un logement. Pour les expatriés, cette recherche relève souvent du parcours du combattant. Au niveau Suisse, Zoug et Bâle se partagent respectivement les 8e et 10e places. Lausanne arrive 36e, Berne 38e, Zurich 41e et Lugano 53e. Outre les villes helvétiques, Taipei, Kuala Lumpur, Ho Chi Minh Ville, Singapour, Montréal, Lisbonne, Barcelone et La Haye, figurent parmi les endroits les plus sollicités par les travailleurs étrangers.