«Mon mec a l’âge de mon père, mais il est blindé»

  • Dans le canton de Genève, le phénomène des Sugar Babies prend de l’ampleur.
  • Le principe? Une jeune femme, souvent étudiante, est entretenue par un homme riche, mais seul.
  • Les milieux de prévention de la prostitution se sentent démunis face à cette tendance.

  • En devenant Sugar Baby, les jeunes femmes peuvent facilement devenir accros à l’argent. 123RF/MUSTACHEGIRL

    En devenant Sugar Baby, les jeunes femmes peuvent facilement devenir accros à l’argent. 123RF/MUSTACHEGIRL

«Mon Sugar Daddy me file de l’argent, mais il me paie aussi des sacs et des chaussures»

Carolina, 23 ans, Sugar Baby

Carolina* a 23 ans. D’origine sud-américaine, la jeune femme étudie le droit à l’université. La différence avec ses camarades de cours, c’est qu’elle gagne 6000 francs par mois sans travailler. Son secret? Se faire entretenir par un riche homme d’affaires de la région. «Mon mec a 55 ans, exactement l’âge de mon père. Mais à la différence de mes parents, il est blindé de thunes. Nous nous sommes rencontrés sur un site internet qui met en relation des gars riches avec de jolies filles à la peine financièrement.»

Quand on lui demande pourquoi elle n’a pas cherché un autre travail, la réponse fuse: «Je n’arrive pas à concilier un job normal avec mes études et franchement si c’est pour me retrouver à la caisse d’un supermarché, cela n’en vaut pas la peine. Mon Sugar Daddy me file de l’argent mensuel, mais il me paie aussi des sacs et surtout des chaussures. Je connais des dizaines d’autres filles qui font la même chose en Suisse romande et elles sont de plus en plus nombreuses. C’est le meilleur métier du monde quand tu es jeune. Plus tard je serai avocate, mais en attendant je vis comme une princesse.»

Echange de bons procédés

Comme pour prouver sa bonne foi, Carolina nous met en lien avec son Sugar Daddy. Au téléphone, le «papa gâteau» est d’abord mal à l’aise, puis précise: «Un ami m’a parlé de ces sites où de très belles filles étaient prêtes à passer du bon temps avec des hommes mûrs. Ce n’est pas que sexuel. Nous allons au restaurant avec Carolina, nous passons des week-ends à Barcelone ou à Paris, c’est vraiment un bon deal. Même si elle me coûte assez cher. Je ne pense pas que l’on puisse assimiler cela à de la prostitution, je dirais plutôt que c’est un échange de bons procédés.»

Tendance cachée

S’il est croissant, le phénomène passe cependant sous les radars des milieux de prévention. Ce que confirme Isabelle Boillat, coordinatrice au sein de l’association genevoise Aspasie: «Ce n’est pas une tendance à laquelle nous sommes confrontés. Dès le moment où une personne a 18 ans, elle a le droit de pratiquer le travail du sexe en Suisse.» Même son de cloche de la part d’Aurélie Kuntschen, attachée de presse à l’Université de Genève: «Nous ne possédons aucune donnée relative à la prostitution estudiantine.»

Pour y remédier, l’association Aspasie et son homologue lausannoise Fleur de Pavé viennent de lancer un nouveau site d’annonces, d’information et d’échanges pour les travailleuses du sexe en Suisse romande. But de la démarche? «Cela nous permettra d’en savoir un peu plus sur cette prostitution qui nous échappe, précise Sandrine Devillers, chargée de projets au sein de Fleur de Pavé. Notre souhait n’est pas de contrôler ces travailleuses mais de les conseiller et de les soutenir.»

*nom connu de la rédaction