Pharmacies en première ligne de la deuxième vague

  • Les officines du canton constatent à nouveau une hausse de la fréquentation par rapport à cet été.
  • On se presse pour acheter le cocktail vitaminé de l’automne: échinacées, huiles essentielles, zinc... Et gel.
  • Les pharmaciens répondent aussi aux interrogations et aux angoisses de la population. Reportage.

  • Marie-Claude Graifemberg dans la pharmacie de la place du Cirque. MP

  • A la pharmacie de la place du Cirque, Marie-Claude Graifemberg produit une solution hydroalcoolique en suivant la recette de l’OMS. MP

    Marie-Claude Graifemberg produit une solution hydroalcoolique en suivant la recette de l’OMS. MP

«On sent bien que les gens sont perdus. Les autorités ne fournissent pas les clés de compréhension nécessaires»

Thomas Bläsi, membre du comité directeur de l’Association des pharmaciens indépendants

Dans l’arrière-boutique de la pharmacie de la place du Cirque, Marie-Claude Graifemberg profite d’un moment d’accalmie pour sortir les éprouvettes ainsi que l’alcool et l’eau distillée. Suivant scrupuleusement la recette de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle fabrique la solution hydroalcoolique devenue indispensable en cette période de pandémie. «Les taxis s’approvisionnent par litre, précise la pharmacienne tout en procédant au mélange. Des particuliers viennent spécifiquement chez nous remplir leur flacon.»

Pas de pénurie

Point positif par rapport à la première vague le printemps dernier: «Nous n’avons pas de soucis d’approvisionnement.» Pas de pénurie de gel, ni de masques. «Du coup, nos clients sont moins stressés, commente la pharmacienne. Résultat, la fréquentation de la pharmacie a certes augmenté mais l’agressivité voire la panique du printemps dernier a disparu.

«Pourtant, paradoxalement, le virus s’est rapproché. On connaît beaucoup plus de gens malades que lors de la première vague», poursuit notre interlocutrice. Dans l’officine, les clients respectent les consignes. «Ils sont masqués, se lavent les mains en entrant et attendent dehors s’il y a déjà du monde dedans.»

De son côté, le pharmacien Thomas Bläsi estime que la distance interpersonnelle est devenue une habitude. En revanche, le lavage des mains lui paraît moins bien respecté qu’au printemps. «On a réussi à proposer des prix abordables, mais je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas à nouveau du gel gratuit mis à disposition de la population», s’interroge ce membre du comité directeur de l’Association des pharmaciens indépendants. Lui aussi constate une hausse du nombre de cas dans sa clientèle. Quant à la fréquentation de sa pharmacie, à Malagnou, elle a augmenté d’environ 25% selon ses estimations.

L’échinacée a la cote

Que viennent acheter les clients? Les pharmaciens interrogés sont unanimes: échinacée, vitamine C, vitamine D, zinc et huiles essentielles, autant de produits censés renforcer le système immunitaire. «Il s’agit du cocktail de cet automne!» lance Marie-Claude Graifemberg. «C’est l’effet presse, renchérit son patron, le gérant de l’officine, Patrizio Pugnale. Les gens entendent parler d’un produit et pensent que c’est un remède miracle. En septembre, on a vendu en deux jours ce qu’on vend habituellement en une saison.»

Cet «effet presse» a aussi été tangible au moment de l’annonce par le conseiller fédéral Alain Berset de la mise en place de tests rapides dans les pharmacies. «Le jour même, on a reçu entre 25 et 30 appels de gens qui voulaient se faire dépister. Alors qu’on n’avait pas ces tests et qu’on n’avait pas été formé», grogne Thomas Bläsi.

Informer et démentir les fake news

Autre rôle clé du pharmacien: répondre aux interrogations et aux angoisses des clients. «On tente d’informer à notre échelle mais on sent bien que les gens sont perdus. Les autorités ne fournissent pas les clés de compréhension nécessaires», insiste Thomas Bläsi, arborant sa casquette de député UDC.

Des questions, plus ou moins surréalistes, Marie-Claude Graifemberg en entend aussi. «L’autre jour, un client m’a demandé: «Comme j’ai eu le Covid, je n’ai plus besoin de me protéger?» Un autre m’a interrogée sur les dangers de porter un masque. Je lui ai répondu que nous le portions huit heures d’affilée et qu’il ne risquait donc rien à le mettre uniquement pour entrer dans un commerce ou une pharmacie. Ma réponse n’a pas eu l’air de lui convenir», sourit la pharmacienne, avant de repartir servir une septuagénaire masquée.