Un centre de la fertilité high-tech naît à Champel

  • Le pôle, baptisé FertiGenève, ouvre ses portes en novembre, sur le site de la clinique Générale-Beaulieu.
  • Il regroupe dix spécialistes, du gynécologue à l’urologue, et dispose d’un laboratoire de pointe.
  • De quoi répondre à la demande. Car, de plus en plus de couples recourent à une aide médicale pour procréer.

  • La docteure Marie Isabelle Streuli lors d’une consultation. STÉPHANE CHOLLET

    La docteure Marie Isabelle Streuli lors d’une consultation. STÉPHANE CHOLLET

  • 123RF/NEVODKA

«L’idée du partenariat public-privé, c’est aussi de proposer des prix abordables pour tous ces traitements»

Marie Isabelle Streuli, responsable de l’unité de médecine de la reproduction aux HUG

Un laboratoire high-tech et dix spécialistes de la reproduction. Le tout réuni dans un seul et même lieu, soit sur le site de la clinique Générale-Beaulieu. Baptisé FertiGenève, un centre dernier cri consacré à la médecine de la fertilité va naître en novembre. Une avancée majeure pour aider les couples et les femmes désireux d’avoir un enfant. Cette mutualisation des ressources entre privé et public permet d’investir dans du matériel de pointe. Le but est aussi de développer des projets de recherche et l’enseignement de cette médecine encore toute jeune. «Le premier bébé issu d’une fécondation in vitro a seulement 40 ans», souligne Marie Isabelle Streuli. La responsable de l’unité de médecine de la reproduction aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) est l’une des spécialistes du futur centre.

15% des couples sont infertiles

La docteure indique qu’en Suisse, tout a changé en 2017 avec la modification de la loi sur la procréation médicalement assistée. «Depuis, on peut procéder à un diagnostic préimplantatoire (soit une analyse génétique des embryons). Cela a ouvert le champ à la médecine de la reproduction moderne. C’est un domaine en pleine évolution», poursuit-elle. Et de citer la vitrification (le fait de les figer comme du verre) des ovules développée au milieu des années 2000. Un procédé de plus en plus employé «par des femmes qui n’ont pas de projet d’enfant dans l’immédiat mais qui souhaitent préserver leurs ovules pour maximiser leurs chances le moment venu», explique la docteure Streuli.

En juillet dernier, l’Office cantonal de la statistique révélait qu’en 2018, l’âge moyen de la mère à la naissance dépassait les 33 ans à Genève. Or, la fertilité féminine baisse dès 30 ans. En mai 2019, l’Université de Genève (Unige) révélait, elle, que le sperme suisse était de mauvaise qualité.

«Selon les études réalisées sur des couples qui essaient de concevoir, 85% y parviennent au bout d’un an. On estime donc à 15% le nombre de couples ayant des problèmes d’infertilité», complète la docteure Streuli. Rien d’étonnant à ce que le recours à l’aide à la procréation explose. «Entre 2002 et 2010, le nombre de couples suisses infertiles recourant à la PMA a doublé, passant de 3000 à plus de 6000 par an», précise l’Unige.

«Ai-je les moyens financiers?»

Reste l’obstacle financier. Car, en Suisse, les traitements sont à la charge du patient, sauf rares exceptions. Résultat, dans certains cas, les couples renoncent. «Je suis confrontée à cela souvent, indique Marie Isabelle Streuli. C’est très difficile pour les couples. Ils doivent faire un premier travail de deuil en acceptant d’avoir besoin d’aide pour que la femme tombe enceinte. Puis, un second: «Ai-je les moyens financiers?» La question de l’argent vient ainsi s’ajouter aux difficultés physiques et morales que la femme et le couple endurent (lire ci-contre).

«Sans compter l’impact sur la sexualité, la famille ou le milieu social. Tout cela, alors que le tabou est encore important, stipule la spécialiste. L’idée du partenariat public-privé qui a donné naissance à FertiGenève, c’est aussi de proposer des prix abordables pour ces traitements», précise-t-elle. Et de conclure: «Le récent changement de loi peut peut-être ouvrir la voie au remboursement.»

 

«J'ai mis cinq ans à avoir mon fils»

Aujourd’hui, le parcours du combattant paraît loin derrière. Pour autant, les souvenirs de Julia*, 50 ans, sont intacts. «J’ai mis cinq ans à avoir mon fils», lâche-t-elle. Cinq années éprouvantes tant physiquement que moralement. «On ne nous prévient pas assez. On ne nous dit pas qu’à partir de 35 ans, biologiquement, on est vieille! Que la fertilité est en chute libre et qu’avoir un enfant, passé cet âge-là, c’est la loterie», poursuit-elle.

Julia a plus de 36 ans quand, avec son compagnon, ils décident d’avoir un enfant. «Mes copines tombaient enceintes au bout d’une semaine et moi pas.» Immédiatement, elle sent qu’il y a un problème. Elle consulte et enchaîne toute une série d’examens. S’ensuit une surveillance minutieuse de son ovulation.

Rien n’y fait. Julia entame donc un traitement de stimulation hormonale. «Tu supportes tous les symptômes comme les seins qui gonflent. Mais, tu as tellement envie d’avoir un enfant que tu t’en fous!» En vain.

«Détruite moralement»

Le couple décide donc de «s’offrir» une fécondation in vitro (FIV). «On a cassé la tirelire. Il faut compter entre 7000 et 8000 francs.» Malgré cinq transferts, la première FIV échoue. «J’étais détruite moralement. Je voulais tout arrêter», se souvient Julia.

Son compagnon et sa gynécologue la reboostent. Et c’est reparti pour une deuxième FIV. Les piqûres quotidiennes, les patchs… Les trois transferts ne donnent rien. «J’ai fini par leur dire: en fait vous ne savez absolument pas ce que vous me mettez dans le ventre.» Car, entre-temps, Julia s’est renseignée et a découvert que le diagnostic préimplantatoire n’est pas légal en Suisse. Il l’est, en revanche, en Espagne. Elle s’envole donc, son dossier médical sous le bras, direction Barcelone. Là, les ovules implantés sont soigneusement choisis. «Par contre, j’étais gonflée aux hormones, pire qu’un poulet de batterie.» Enfin, le miracle se produit. En mai dernier, son fils, fruit de ce combat a fêté ses 9 ans. MP

nom connu de la rédaction