Une guerre du rail à 4 milliards de francs

Un ingénieur à la retraite combat sans relâche les deux chantiers ferroviaires prévus à Cornavin et à l’aéroport. Au lieu des 4,67 milliards de francs planifiés, il propose un contre-projet ne coûtant que 740 millions. Ses soutiens se multiplient. Leur but? Faire plier le ministre des Infrastructures Serge Dal Busco.

  • A gauche, le contre-projet proposé par l’ingénieur Rodolphe Weibel. A droite, le projet de l’Etat en deux étapes qui vont suivre la mise en service du Léman Express. DR

    A gauche, le contre-projet proposé par l’ingénieur Rodolphe Weibel. A droite, le projet de l’Etat en deux étapes qui vont suivre la mise en service du Léman Express. DR

«Des milliards de fonds publics valent bien une petite réflexion supplémentaire»

Rolin Wavre, député PLR

Un empêcheur de tourner en rond. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier Rodolphe Weibel. Cet ingénieur à la retraite a décidé de consacrer une grande partie de son temps à un combat: «Cela fait six ans que j’étudie toutes les solutions pour développer intelligemment le réseau ferroviaire genevois. Au lieu d’analyser mon contre-projet et d’ouvrir la discussion, l’Etat fait la sourde oreille. Mais cela va coûter très cher aux Genevois, financièrement d’abord, mais aussi en termes de nuisances. Si on ne fait rien, c’est un véritable désastre qui va avoir lieu.»

Mais de quoi parle-t-il exactement? Des deux étapes qui vont suivre la mise en service du Léman Express. La première vise à augmenter la capacité de la gare Cornavin ainsi que celle du réseau situé à l’ouest de Genève, soit le périmètre Cointrin-Lancy-Cornavin-aéroport. La seconde prévoit la création d’une infrastructure dite «raquette» reliant la gare de Cornavin à celle de l’aéroport. But avoué? Augmenter la capacité des gares afin de faire face à la hausse annoncée du nombre de voyageurs (ndlr: 25 millions par année dès 2030). Coût de l’ensemble? Environ 4,67 milliards de francs.

Argent gaspillé

«C’est de l’argent jeté par les fenêtres car cette raquette et l’extension de Cornavin sont inutiles!», bondit Rodolphe Weibel. «Je propose un contre-projet avec une boucle qui avait été prévue lors de la mise en service de la ligne de l’aéroport en 1980. Avec cette boucle, chaque train passant par Cornavin traverse la gare de l’aéroport et rejoint la Côte sans repasser pas Cornavin, contrairement au projet de l’Etat. Cela coûterait uniquement 740 millions et sa réalisation serait plus rapide et surtout sans aucune nuisance pour les riverains. Notamment les habitants des Grottes qui vont devoir vivre au milieu des travaux pendant des décennies.» Avant de préciser: «Mais le conseiller d’Etat [en charge du Département des infrastructures] Serge Dal Busco n’ose pas faire marche arrière car le canton de Genève va recevoir un milliard de francs de la Confédération. C’est absurde!»

Oppositions étatiques

Le porte-parole du Département des infrastructures, Roland Godel, n’est pas du même avis: «La solution de Rodolphe Weibel tend à rendre l’horaire illisible en générant des temps de trajets et des parcours différents pour une même relation au sein du canton de Genève. Le concept manque en outre d’analyse approfondie sur l’offre et la demande réelle, ce qui ne permet pas de s’assurer du bon dimensionnement des infrastructures pour répondre aux besoins.»

Quant à Gregor Saladin, porte-parole au sein de l’Office fédéral des transports, il préfère botter en touche: «Les cantons sont responsables de la planification de l’offre régionale. Dans ce contexte, le canton de Genève a soumis ses objectifs d’offre dans le cadre de la planification de l’étape 2035 de l’infrastructure ferroviaire.»

Soutiens grandissants

Reste que certains soutiens au contre-projet de Rodolphe Weibel souhaitent désormais se faire entendre. C’est le cas de Pierre-André Bobillier, professeur retraité de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et ancien secrétaire de la commission de contrôle de gestion de l’Etat de Genève: «Lorsque j’ai eu connaissance de la solution de Rodolphe Weibel, j’ai été très intéressé et même enthousiasmé par son projet. Cette solution est extrêmement créative et visionnaire.»

Sans être aussi dithyrambique, le député PLR Rolin Wavre s’avoue séduit par le contre-projet: «La proposition de Rodolphe Weibel a retenu mon attention car je la trouve simple et inspirée par le bon sens. Et surtout, je n’ai pas été convaincu par les arguments qui lui sont opposés par l’Etat et par les CFF. Des milliards de fonds publics valent bien une petite réflexion supplémentaire et si la solution alternative proposée par Rodolphe Weibel est irréaliste, qu’on nous le démontre concrètement. C’est mon devoir de député que de le rappeler.» Et Rodolphe Weibel de conclure: «Je me battrai jusqu’au bout pour que l’Etat change son fusil d’épaule.»