«On va pouvoir jouer avec le public masqué»

  • Michael Drieberg, patron de Live Music Production, a rencontré le Conseil d’Etat lundi 14 septembre.
  • Les concerts et spectacles vont pouvoir se tenir avec port obligatoire du masque et traçage via un QR code.
  • Pour le conseiller d’Etat Mauro Poggia, le public doit pouvoir partager des émotions dans un cadre sécurisé.

  • Au sujet du port du masque et du traçage, Michael Drieberg invite le public à «jouer le jeu». STÉPHANE CHOLLET

«Il faut que l’on s’unisse, qu’on oublie les guéguerres concurrentielles. Là, on est en mode survie»

Michael Drieberg, patron de Live Music Production

Sa mallette à la main, Michael Drieberg, le patron de Live Music Production, enchaîne les rendez-vous. Depuis quelques mois cet organisateur d’événements fréquente plus les coulisses du monde politique que l’univers des artistes. Après avoir rencontré le conseiller fédéral Alain Berset mardi 8 septembre, c’est devant le conseiller d’Etat chargé de la Sécurité, Mauro Poggia, qu’il a défendu, lundi 14 septembre, sa cause aux côtés d’Opus One. Et il ressort de l’officine, rue de l’Hôtel-de-Ville, le sourire aux lèvres. Interview.

GHI: Comment s’est passé votre rendez-vous avec Mauro Poggia?
Michael Drieberg:
C’était très constructif. On était un peu anxieux car depuis le début de la crise sanitaire, les mesures ont été très strictes à Genève, plus strictes qu’ailleurs. Du coup, on se demandait si on allait pouvoir organiser des spectacles de plus de 1000 personnes. On a la réponse: on va pouvoir jouer! Avec tout le public masqué. Mais, pas besoin de laisser un siège vide d’écart, ni de faire des groupes de 100. Ce qui veut dire que l’on peut jouer en jauge complète et ça, ça sauve nos spectacles!

– Concrètement, comment cela va-t-il se passer pour le public?
 Tout le monde devra rester masqué et assis à sa place numérotée pendant le spectacle, ceci pour assurer le traçage. Au moment de l’achat du billet via Ticketcorner, le client doit donner son numéro de téléphone. Quelqu’un le rappelle pour vérifier ce numéro. Puis, il reçoit un QR code par SMS qu’il doit montrer pour entrer dans la salle. On vérifie aussi que le nom corresponde. Dernier point: le bar sera fermé.

– C’est strict… Le public va s’y tenir?
– Les organisateurs mais aussi les artistes vont faire passer le message suivant: merci de jouer le jeu car il n’y a que comme ça qu’on pourra continuer à faire des spectacles. C’est dans notre intérêt à tous. On a repris les concerts au Métropole à Lausanne dans des conditions similaires et ça s’est très bien passé.

– On va bientôt pouvoir voir Patrick Bruel à l’Arena alors?
– On va commencer par maintenir tout ce qui est au Théâtre du Léman. Le concert de Patrick a lui été reporté au 20 mai 2021.

– Vous avez aussi réclamé une aide financière au Canton. Est-ce bien logique en tant que privé?
–On ne demande pas de l’aide aux cantons. Ils ont reçu de l’argent de la Confédération pour soutenir les entreprises culturelles. Nous avons droit à notre part. Tout comme les acteurs culturels subventionnés. Or, à ce jour, nous n’avons pas touché un centime. Comme d’habitude, la culture privée est la grande oubliée à Genève.

– Vous n’avez rien touché?
– On a eu les RHT (réductions d’horaires de travail) pour nos salariés, mais cela s’arrête aussi fin octobre. On ne demande pas que nous soient remboursés le manque à gagner ni le cachet des artistes. Ça, c’est à nous de gérer avec eux. Juste les frais engagés. Car, ce qui est ingérable financièrement, c’est l’incertitude…

– C’est-à-dire? 
– On ne peut pas lancer toute la machine: publicité, billetterie, réservation des hôtels pour les artistes, engagement des équipes techniques… Engager tous ces frais et risquer de voir l’autorisation retirée à la dernière minute, sans aucune possibilité de recours contre le Canton, ni aucune assurance qui couvre ce risque, c’est suicidaire.

– Vous n’êtes pas assurés contre ce risque?
– Un tel système n’existe pas pour le moment. Mais, c’est une piste pour le long terme. A l’instar des agences de voyages. Celles-ci cotisent toutes à un fonds commun. Ainsi, si l’une d’elles fait faillite, le voyageur peut a minima rentrer chez lui! On propose de mettre en place un système similaire pour les acteurs culturels, voire touristiques. Il faut que l’on s’unisse, qu’on oublie les guéguerres concurrentielles. Là, on est en mode survie.

– Vous n’en faites pas un peu trop?
– Après tout, voir un spectacle n’est pas un besoin vital… Qu’est ce qui est vital? Vous pensez qu’on est né pour travailler, manger et dormir? Je pense qu’on est aussi là pour s’amuser, se divertir, se sociabiliser. Du reste, les gens ne cessent de se réunir, de s’agglutiner partout. Mieux vaut que ces rassemblements se passent dans nos salles et dans le respect des conditions sanitaires.

Mauro Poggia: «La bonne santé se mesure aussi à l’accès aux loisirs»

GiM • «Soutenir la culture, le sport et les grands événements a toujours été important. Avoir accès à ces loisirs joue un grand rôle dans la santé morale de la population, c’est un ciment social essentiel», souligne d’emblée Mauro Poggia, ministre chargé de la Sécurité, de l’Emploi et de la Santé. Avant de préciser: «Le Conseil d’Etat travaille dans l’intérêt de la population et de l’économie avec une approche pragmatique et à la mesure du choc économique imposé par la crise médico-sanitaire qui demeure tendue. En imposant des concepts de protection stricts, notre but n’est pas de punir un secteur d’activité mais de prendre, en collaboration avec les organisateurs, les bonnes décisions pour que le public puisse vivre et partager des émotions fortes dans un cadre sécurisé. Dans cette logique, les décisions doivent se prendre avec discernement, mesure et un juste équilibrage entre logique sanitaire et réalité économique et sociale. Nous savons bien que sans culture, on passe à côté de l’essentiel. Sans la santé aussi.»