Le libéralisme a échoué!

DOCTRINE • Ne miser que sur le dogme du marché, la réussite individuelle, au détriment des réseaux de solidarité, toute cette idéologie mortifère des années 1990 s’effondre. Réhabilitons l’Etat! Et le projet collectif!

  • La statue de la Liberté à New York, un des symboles du libéralisme. Certains réclament un retour du projet commun. 123RF/LUCIANO MORTOLA

    La statue de la Liberté à New York, un des symboles du libéralisme. Certains réclament un retour du projet commun. 123RF/LUCIANO MORTOLA

Les années d’immédiat après-guerre ont été des années d’Etat. L’Europe n’était plus que décombres. L’Allemagne, détruite par trois années de bombardements alliés, la ville allemande surtout. L’Italie, le nord-ouest de la France (après le Débarquement), la Belgique, les Pays-Bas. Ne parlons pas de toute l’Europe centrale et orientale, Pologne, Ukraine, Russie. Dans une Europe coupée en deux par le Traité de Yalta (1945), à l’Est le communisme, à l’Ouest le capitalisme, il a fallu reconstruire avec des plans d’ensemble, un souci du collectif, une vision d’Etat.

Besoin d’Etat de l’après-guerre

Dans le système communiste, on a actionné les vertus (plus ou moins efficaces!) du Plan. A l’Ouest, pays par pays, on a dû inventer des systèmes pour assurer les deux besoins les plus fondamentaux des populations: le ravitaillement (des tickets de rationnement ont fonctionné jusqu’à la fin des années 1940) et le chauffage. Ce dernier passant par le charbon, on a lancé la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), premier pas d’une construction européenne.

Dans ces années d’après-guerre, on avait besoin d’Etat. Même notre pays, épargné par la guerre, a mis au point le plus beau fleuron de sa sécurité sociale, l’AVS, dans le sillage immédiat de la Seconde Guerre mondiale, en 1947-1948. Dans ces années-là, on ne se risquait pas trop à ne jurer que par le libre-échange, et l’affaiblissement des services publics: on avait bien trop besoin de réseaux de solidarité.

C’est beaucoup plus tard, à l’époque de Ronald Reagan aux Etats-Unis (1980-1988) et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni (1979-1990), puis surtout dans les très flambantes années 1990, que le mirage libéral, le discrédit sur l’Etat, la mise en valeur extatique de l’individu au détriment du collectif, la remise en cause des nations, des histoires et des frontières, sont arrivés comme des déferlantes. Nous n’étions pas très nombreux, à l’époque en Suisse romande, à résister à cette idéologie. Les jeunes loups du libéralisme, aux crocs acérés par l’appât de l’argent de facile, nous traitaient de ringards. On a vu le résultat.

Individualisme à l’extrême

Le résultat, c’est l’échec du système libéral, considéré comme un dogme, ne jurant que par les vertus magiques du «marché», comptant sur la concurrence comme régulation darwinienne pour la survie des forts, l’effacement des plus faibles. Cette logique, individualiste à l’extrême, incapable de définir un projet collectif, s’est fracassée contre les récifs du réel. Partout en Europe, y compris en Suisse, les peuples réclament un retour du projet commun, donc de l’Etat. Cela ne signifie pas des armadas de fonctionnaires derrière des guichets, ce temps-là est révolu, mais l’appropriation, par le plus grand nombre, donc le suffrage universel, du destin des pays. Cela passe par l’école, l’éducation citoyenne: donner d’autres valeurs que la simple appartenance à un clan, une marque commerciale, une écurie privée. Vaste programme, mais enthousiasmant: l’être humain y sortira gagnant. A tous, un excellent été!