Suisses, applaudissons les «gilets jaunes»!

DÉMOCRATIE DIRECTE • Sur le fond, le mouvement de protestation est absolument admirable: des dizaines de milliers de nos amis français bravent le froid, l’hiver, les CRS, pour obtenir davantage de démocratie. Qui serions-nous pour les condamner?

  • On ne peut qu’admirer leur courage, leur détermination et leur endurance. WIKIMEDIA

    On ne peut qu’admirer leur courage, leur détermination et leur endurance. WIKIMEDIA

Nous les Suisses, avons une chance extraordinaire, que tant de voisins nous envient: grâce à notre démocratie directe, nous pouvons, quatre fois par an, nous prononcer sur le fond de la politique: les thèmes. Exemple: le dimanche 10 février, nous voterons sur un sujet majeur, l’initiative des Jeunes Verts sur le mitage du territoire. Un enjeu passionnant, qui charrie tout notre rapport à la ville et à la campagne, à l’aménagement de nos paysages, à l’agriculture, etc.

Violences mises à part...

Nous voterons, pourquoi? Parce qu’à la base, un petit comité d’hommes et de femmes – les Jeunes Verts – a décidé qu’il était essentiel pour le pays de lancer ce sujet, avec un vaste débat national, des arguments, des idées contradictoires, et un beau dimanche, le verdict. C’est cela, notre démocratie suisse, cela qui est si précieux: pouvoir, nous les citoyennes et citoyens, nous attaquer directement aux thèmes.

Regardez nos amis français: la principale revendication des «gilets jaunes» (à part le pouvoir d’achat) est d’accéder à une forme d’expression directe du suffrage universel sur les thèmes. Ils appellent cela le référendum d’initiative citoyenne (le RIC), et c’est, dans les grandes lignes, l’équivalent de notre initiative populaire fédérale, en Suisse. En clair, des dizaines de milliers de Français bravent l’hiver, le froid, les CRS, pour obtenir, notamment, davantage de démocratie. Sur le fond, et bien sûr en condamnant les violences et débordements, la démarche est absolument admirable: elle est courageuse, imaginative, offensive, d’intérêt public, elle vise à une élévation du niveau de démocratie en France.

Ecouter la base

Nous les Suisses, cette démocratie dont rêvent les «gilets jaunes», nous l’avons. Parce que d’autres, dans notre histoire nationale, bien plus conflictuelle que son image d’Epinal, les ont conquis, ces droits! Eh bien, nos amis français, dont les ancêtres en ont conquis d’autres, également admirables, se battent aujourd’hui pour obtenir des droits comparables à ceux de notre démocratie directe.

Nous, Suisses, quel que soit notre positionnement politique, cela devrait nous parler, non? Pour ma part, j’admire les «gilets jaunes». J’admire leur courage, leur détermination, leur endurance, leur opiniâtreté. Je les admire, parce qu’ils ouvrent des voies pour une France plus démocratique, où la base serait écoutée, où le peuple deviendrait, comme chez nous, un acteur de la vie politique.

Acteur oui, sujet non!

Un acteur, et non un sujet. C’est le principe même de cet immense moment de l’histoire humaine qui, à partir de 1789, s’est appelé la Révolution française. Aujourd’hui aussi, certaines féodalités doivent tomber, et pas seulement en France! Les corps intermédiaires ont pris trop d’importance, ils confisquent tant de droits, que le suffrage universel pourrait assumer directement. Il ne s’agit pas de créer une démocratie d’opinion, où un simple clic suffirait à décider. Non: il s’agit, dans les années et les générations qui viennent, de donner au plus grand nombre la possibilité, par des voies institutionnelles (et non par la rue!) de peser sur le destin des nations. A tous, excellente année 2019!