Un homme à terre

Quand on observe la vie politique, et qu’on fait profession de la commenter, on doit se montrer particulièrement critique face au pouvoir. Face à tous les pouvoirs, d’où qu’ils viennent. Et si on se montre sévère, on doit appliquer cette rigueur, non envers les faibles, ni les démunis, ni les exploités, mais bien évidemment envers les puissants.

Sur le principe, tout le monde est d’accord. Hélas, l’application est un peu plus complexe. Prenez l’affaire Maudet. Parmi ceux qui, aujourd’hui, s’acharnent contre le ministre, combien étaient-ils à oser le critiquer du temps de sa splendeur? Réponse: très peu! J’en connais même certains qui, aujourd’hui en première ligne de l’hallali, comme dans une chasse à courre, se lovaient naguère à lui, comme des courtisans. Envers eux, vous comprendrez que ma sympathie soit relativement limitée.

Pour notre part, nous avons, ici même, pendant des années, attaqué Pierre Maudet alors qu’il était au firmament de sa puissance. Nous avons, par exemple, dénoncé la politique des fusibles, comme dans l’affaire Cudré-Mauroux. Nous avons attaqué les méthodes, jamais l’homme.

Eh bien aujourd’hui, tout en étant très critiques sur ce magistrat, et même en pensant qu’il a politiquement tort de s’accrocher au pouvoir, nous nous refusons absolument à faire partie de la meute qui ne pense qu’à le déchiqueter. Nous le critiquons, sans plus. Cette modération, au nom d’un principe sacré: on s’attaque aux puissants lorsqu’ils sont en majesté. Mais on ne tire jamais sur un homme à terre.