Le rêve brisé des frontaliers genevois

IMMOBILIER • Attirés par un pouvoir d’achat plus important, des milliers de travailleurs suisses ont fait le choix de s’installer en France voisine. Dégoûtés par cette expérience, ils sont de plus en plus nombreux à rentrer au pays.

«Nous avons vécu l’enfer! L’Etat français nous a saignés pendant cinq ans. Nous sommes soulagés de revenir en Suisse.» Avant de quitter Genève pour s’installer à Annecy, Nathalie et Marco* avaient une idée bien précise en tête: devenir propriétaires. Ils rêvaient d’un grand jardin et d’une vaste maison pour élever leurs deux filles. A Versoix, ils ne pouvaient pas se la payer. «Je travaille comme garde du corps, mais mon épouse est femme au foyer, les banques suisses ne souhaitaient pas nous octroyer de crédit, nous avons donc fait nos valises en 2010. Ce fut le pire choix de notre vie!» Pourtant, en arrivant en terres françaises, tout commence bien. Ils font l’acquisition d’un petit pavillon avec un bout de terrain. L’espoir d’une vie meilleure prend forme.

2012: le tournant

Très rapidement pourtant, le rêve se transforme en cauchemar. Il y a d’abord les transports. Marco passe près de trois heures par jour dans sa voiture. Sans oublier les frais de péage et d’essence qui se chiffrent à plusieurs centaines d’euros mensuels. Et ce n’est pas le pire. «Quand on va à l’hôpital en France, les files d’attente sont interminables. Sans oublier la montagne de paperasse à remplir et les incessantes grèves de personnel!» En 2012, l’arrivée au pouvoir de François Hollande va plonger le couple dans une situation financière très délicate. Taxés de toutes parts, ils peinent à boucler les fins de mois. Tout s’effondre en quelques mois. «J’ai failli tomber de ma chaise quand j’ai remarqué que vivre en Suisse nous coûtait finalement moins cher, tonne Nathalie. Nous avons donc revendu notre maison au début de cette année pour redevenir locataire, mais à Genève.» Depuis, ils affirment être plus heureux, même dans un logement plus petit…

Statistiques opaques

Combien sont-ils, comme Nathalie et Marco, à avoir subi les désillusions de l’expatriation en France? «Nous n’avons pas de chiffres, mais c’est vrai que nous avons pas mal d’échos de Suisses qui quittent la France pour se réinstaller en territoire helvétique», explique Laurence Coudière, chargée des relations presse au Groupement Transfrontalier Européen, l’association des transfrontaliers franco-suisses. Etablir des statistiques s’avère compliqué. Entre ceux qui ne se déclarent pas, mais y résident effectivement, et ceux qui bénéficient de la double nationalité et à ce titre ne sont pas recensés comme Suisses en France, difficile de faire le compte.

20’000 Suisses

Dans le canton de Genève, et selon des chiffres issus de divers recoupements, ils seraient environ 20’000 Suisses à s’être installés de l’autre côté de la frontière. Pour combien de temps encore?

*noms connus de la rédaction

Vaud: difficile d’obtenir des chiffres

CA • Côté statistiques, c’est le flou artistique également à Lausanne. Ainsi, le Contrôle de l’habitant de la capitale vaudoise affirme ne pouvoir «ni confirmer, ni infirmer une éventuelle tendance» de retour des Suisses installés en France voisine. «Nous ne tenons pas de statistiques à ce sujet, explique le chef de service Dominique Monod. En tout cas, on n’observe pas de vagues d’arrivées dans nos bureaux.» Idem chez Statistiques Vaud, le service cantonal de recherche et d’informations statistiques du canton. «Nous ne suivons évidemment pas les parcours individuels des personnes, explique la cheffe de projet Léna Pasche. Une seule chose est sûre: en 2013, la France, avec 933 arrivées, est un des premiers pays de provenance des Suisses arrivant de l’étranger et s’installant dans le canton de Vaud.»