Marcher en étant malvoyant: un chemin de croix

AMÉNAGEMENTS • Barrières, tables, chaises… Autant d’obstacles qui entravent les lignes blanches, censées guider les personnes ayant un handicap visuel. Associations et autorités plaident pour davantage de communication et un meilleur contrôle.

  • A Plainpalais, une terrasse empêche les malvoyants de cheminer sur les lignes blanches. TR

    A Plainpalais, une terrasse empêche les malvoyants de cheminer sur les lignes blanches. TR

«C’est inadmissible. C’est tellement dangereux qu’on dirait un piège!», peste Claude, aveugle de naissance, aux abords du rond-point de Plainpalais. A l’origine de sa colère, une voiture garée au beau milieu des «lignes de guidage». Ces bandes blanches sont normalement destinées à aider les malvoyants à cheminer.

A quelques mètres de là: rebelote. Le sexagénaire est contraint de descendre du trottoir et de marcher sur la route car la ligne qu’il suit avec sa canne s’interrompt subitement, en raison d’une table de café posée là. «J’ai demandé plusieurs fois au tenancier de dégager la voie. Mais rien n’y fait», se lamente Claude.

Responsabilité

Une réalité qui montre aussi «une forme de mépris de la part des pouvoirs publics», selon Cyril Mizrahi, vice-président de la Fédération genevoise d’associations de personnes handicapées et de leur proches (Fégaph). «Les autorités devraient contrôler les empiètements sur ces lignes et prendre des mesures», juge celui qui est aussi député socialiste. «On autorise des terrasses à prendre davantage de place mais on ne vérifie pas si les règles sont respectées», dénonce-t-il. Pour Cyril Mizrahi, cette réalité peut être comparée à celle des pistes cyclables, souvent obstruées par des voitures. «Cela montre que certains modes de déplacement sont quantité négligeable. Et c’est très dangereux», conclut l’élu.

Selon Jean-Luc Widler, également vice-président à la Fégaph et malvoyant, le problème est en partie lié à un manque d’information et de communication: «De nombreuses personnes ignorent l’utilité de ces lignes de guidage. Ces personnes ne se rendent pas compte que cela peut générer des situations de détresse», juge-t-il.

Sensibiliser le public

Pour Jean-Luc Widler: «C’est aux autorités de sensibiliser le public et les restaurateurs à ce problème». D’autant que, d’après lui, de nombreux autres aménagements municipaux au centre-ville devraient être améliorés et mieux contrôlés. «Ce qui pose problème, c’est la mise en œuvre des mesures décidées par les autorités», conclut-il.

«Il y a encore un peu de sensibilisation à faire», reconnait Nicolas Betty, chef de Service de l’aménagement, du génie civil et de la mobilité (AGCM) de la Ville de Genève.

Selon lui, les associations de défense des personnes handicapées sont consultées pour des projets d’aménagement et régulièrement sollicitées par ses services. «Nous effectuons des ajustements lorsque c’est nécessaire», soutient Nicolas Betty.

Qu’en est-il des contrôles? «Six collaborateurs sont actuellement chargés d’ausculter l’espace public et d’y détecter des défauts. Deux personnes supplémentaires ont d’ailleurs été engagées début 2021», assure le chef de service. Qui ajoute: «Les citoyens peuvent également nous solliciter directement en effectuant une demande en ligne. Ces équipements pour les personnes à mobilité réduites doivent être libérés et sécurisés: tel est notre objectif!», conclut le fonctionnaire.