Menace de hausse des faillites à Genève

Le nombre de sociétés en dépôt de bilan prend l’ascenseur en Suisse. Genève est pour l’instant épargnée. Les entreprises rencontrent des difficultés liées au remboursement des prêts Covid réclamé par les banques. Les institutions économiques proposent des solutions.

  • A l’heure de rembourser les prêts Covid, les finances de nombre de restaurateurs sont à sec. 123RF

    A l’heure de rembourser les prêts Covid, les finances de nombre de restaurateurs sont à sec. 123RF

Exergue

Signature

«Après deux ans de Covid, impossible de payer les dettes fournisseurs, celles liées à la TVA, les dettes sociales, locatives et fiscales… D’autant que l’aide des cas de rigueur n’a pas été à la hauteur!» En tout, c’est une centaine de milliers de francs que devait ce restaurateur en début d’année. Avant que l’Office des poursuites ne mette son établissement en faillite, il a racheté le fond de commerce. «Sinon, tu n’as plus rien!» Son cas n’est pas isolé. A l’heure de rembourser les prêts Covid, nombreux sont ceux dont les finances sont à sec. «Ces prêts, ce sont des cadeaux empoisonnés», explique un petit entrepreneur. «Sur 100 emprunteurs, il y a fort à parier que 70 vont poser problème. Les 30 autres subissent quant à eux une grosse pression de leur banquier.»

Au bout du rouleau

Une réalité qui n’a pas échappé à la députée MCG Ana Roch. Regrettant le manque de flexibilité pour le remboursement des prêts Covid, elle affirme: «Je connais de nombreuses entreprises qui ne savent plus comment faire. Dans la restauration, certains patrons sont au bout du rouleau. Ça peut aller jusqu’au suicide», témoigne celle qui est aussi cheffe d’entreprise. En cause: la situation économique actuelle, caractérisée par la sortie de la pandémie, la guerre en Ukraine et la hausse des prix des matières premières. «Dans le secteur de la construction, les encaissements s’allongent et les liquidités manquent. Heureusement, certaines banques ont octroyé un délai supplémentaire pour rembourser les prêts, mais cela ne suffira probablement pas!», déplore Ana Roch.

De son côté, Véronique Kämpfen, directrice de la communication de la Fédération des entreprises romandes (FER) confirme que des arrangements sont possibles. «Les crédits Covid-19 doivent être amortis dans un délai de huit ans à compter de leur octroi. Délai qui peut être prolongé de deux ans. Les modalités d’amortissement sont définies d’un commun accord entre les entreprises et les banques prêteuses.» Et d’ajouter que «près de 30% du volume des crédits ont déjà été remboursés en totalité».

L’élue MCG plaide, elle, en faveur d’une meilleure écoute des principaux concernés: les entreprises. «Il faudrait émettre un plan de remboursement plus échelonné, quitte à le revoir chaque année et à le réadapter.» Autre mesure espérée, plus radicale: annuler les prêts Covid.

Un avis que ne partage pas Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG). «Cette somme reste un prêt. Ce n’est pas une dotation à fonds perdu. Même si on n’imaginait pas que la crise durerait aussi longtemps.»

Il reconnaît toutefois que la période est périlleuse. «Alors que les vivres ont été coupés, on rentre dans le dur. On peut redouter que des faillites se profilent, en particulier pour les cas de rigueur», prévient-il. Face à ce risque, la restauration et les commerces de proximité se révèlent particulièrement touchés.

Ce qui n’empêche pas la CCIG d’affirmer: «Nous sommes raisonnablement optimistes. Aujourd’hui, la majorité des entreprises a pu sortir la tête de l’eau. Finalement, la casse a été moins redoutable que ce qu’on attendait», se réjouit Vincent Subilia. Sa solution? Plaider en faveur d’un travail sur les conditions-cadres: «Il faut être incitatif sur le plan fiscal en trouvant des bouffées d’oxygène. Par exemple en autorisant le travail le dimanche pour inciter les Genevois à faire leurs courses ici», suggère Vincent Subilia.

Préserver l’emploi

La FER s’attend , elle aussi, à une augmentation des faillites au bout du lac, des solutions sont avancées pour éviter le pire. «Si la crise ukrainienne devait entraîner des arrêts ou des ralentissements sévères de production, il faudrait prendre des mesures pour préserver le tissu économique local. Par exemple, le chômage partiel», avance Véronique Kämpfen.

La fédération relève aussi que Genève a été plus généreux que d’autres cantons.

Jusqu’où l’Etat doit-il intervenir pour sauver les entreprises, notamment les plus petites? «En cas de crise majeure, l’Etat doit préserver au maximum le tissu économique, composé à plus de 98% de PME, et faire en sorte que les entreprises puissent maintenir l’emploi», répond la directrice de la communication.

Si la FER salue l’action étatique, l’institution considère que des points d’amélioration existent. «Il s’agit de développer la coordination intercantonale. On se souvient ainsi de Genève, qui avait fermé les salons de coiffure, alors que le canton de Vaud les avait laissés ouverts», rappelle Véronique Kämpfen.

«Un tiers des preneurs de crédits peine à rembourser»

La conseillère d’Etat chargée de l’Economie et de l’Emploi, Fabienne Fischer (en médaillon) fait le point:

– «Que fait votre Département face au risque de hausse des faillites?
Pour les entreprises, la fin des aides étatiques est un moment délicat. C’est notamment pour cette raison qu’il a semblé nécessaire à mon département de prolonger les aides aux entreprises jusqu’à la fin du 1er trimestre 2022. Il faut rappeler qu’un solide dispositif d’aide a été mis en place et que, durant l’année écoulée, 400 millions de francs ont été versés à 3000 entreprises pour les aides de cas rigueur en raison de la crise sanitaire. De nouveaux programmes sont aussi en place, par exemple pour faire face aux hausses des prix de l’énergie, en lien avec la crise en Ukraine.

– Craint-on une vague des faillites à Genève, comme c’est le cas dans le reste de la Suisse?
Pour l’heure, on ne redoute pas une telle vague. Il faut relever qu’à Genève, contrairement à l’ensemble de la Suisse, le nombre de faillites n’a pour l’instant pas augmenté (si on compare le 1er trimestre 2019, 2020, 2021 et 2022). Il faut par ailleurs relever que la procédure de faillite est assez longue. Ainsi, les faillites prononcées au 1er trimestre 2022 visent des entreprises en difficulté bien avant le prononcé de la faillite.

– Quid du remboursement des prêts Covid?
Nous savons que le remboursement des crédits Covid constitue un problème de liquidités supplémentaire pour les entreprises, d’autant que ces crédits pouvaient atteindre jusqu’à 10% du chiffre d’affaires des entreprises. Cela étant dit, c’est la Confédération qui a permis l’octroi de ces liquidités et c’est le parlement fédéral qui a voulu maintenir leur remboursement. Les banques et les instituts de crédits ont toutefois été invités à trouver des arrangements favorables. La situation varie donc beaucoup d’un cas à l’autre. Selon nos informations, un tiers des preneurs de crédits peine à les rembourser au niveau suisse. La situation est comparable à Genève.
Propos recueillis par TR