«La tendance était déjà à l’augmentation de locaux vides avant la crise du Covid-19»
Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière
«Joli petit restaurant à remettre à Meyrin», «tabac épicerie de 36 m2 à louer à Versoix», «prestigieux bureaux à vendre au centre de Champel»: depuis quelques semaines, ce type d’annonces se multiplie à un rythme effréné. Selon nos estimations, il y aurait au minimum 200 locaux commerciaux à vendre et 2400 à louer en ce moment dans le canton de Genève. Des chiffres qui ne surprennent pas Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI): «La tendance était déjà à l’augmentation de locaux vides et avec la crise du Covid-19, cela semble cohérent.» Même son de cloche de la part de Pierre Stämpfli, directeur pour la Suisse romande de JLL (conseil en immobilier): «L’augmentation des surfaces de bureaux vacants existe depuis plusieurs années, notamment dans la région genevoise. C’est également le cas pour les commerces. Le fait que la crise ait renforcé cette dynamique n’est pas une surprise.»
Tendance inquiétante
Pas surprenant, mais néanmoins très inquiétant. Selon l’Office cantonal de la statistique, les surfaces commerciales vacantes sont passées de 61’000 m2 en 2011 à 337’000 en 2019. Une hausse qui devrait fortement s’accélérer cette année. «Il y a différentes causes à cela, précise Fabio Melcarne, président de la section des courtiers au sein de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI), notamment le redimensionnement du secteur financier, la crise économique et l’instabilité fiscale des entreprises jusqu’à l’adoption de la réforme.»
Seule bonne nouvelle, l’activité semble légèrement repartir. C’est le constat de Stéphane Jaggi, associé de Moser Vernet & Cie: «Nous observons une forte demande de visites pour les bureaux. Les entreprises s’interrogent sur la taille idéale de leurs surfaces de travail. L’euphorie du télétravail paraît très vite retomber et les limites de ce nouveau mode de travail se révéler. Il faudra donc attendre la réorganisation des sociétés pour voir des arbitrages se réaliser. Dans le domaine des arcades, nous observons également un intérêt pour la création de nouveaux commerces. Les épiceries fines et autres commerces de détail de produits de qualité semblent répondre à une demande importante de la clientèle du canton.»
Bons emplacements recherchés
Pierre Stämpfli nuance: «L’offre dépasse la demande dans les emplacements secondaires et les centres régionaux. En revanche, les meilleurs emplacements dans les grandes villes sont toujours très recherchés.» Mais selon de nombreux observateurs, le pire est à venir. Le creux de la vague devrait coïncider avec la fin des aides étatiques, soit cet automne selon Fabio Melcarne: «J’ose former un vœu pour que le pire se produise en septembre avant une reprise économique à la fin de l’année ou au début 2021.»
Vers l’e-commerce
Tout dépendra évidemment de la rapidité de la reprise économique selon Véronique Kämpfen, directrice communication au sein de la Fédération des entreprises romandes: «Les chiffres d’affaires du commerce de détail stagnent et se déplacent toujours plus vers l’e-commerce. A Genève, le tourisme d’achat transfrontalier renforce les difficultés de la branche. Les prochains mois montreront si la reprise économique tant attendue a produit les effets escomptés sur la consommation et si les résidents du canton continueront à effectuer un certain nombre de leurs achats en ligne ou en France voisine, ou s’ils consommeront davantage localement. La crise sanitaire a montré que 20% à 30% des achats se font usuellement de l’autre côté de la frontière. En appeler à la solidarité sur les salaires du personnel de vente, qui a été exemplaire, est une chose, mais traduire ces paroles en actes serait autrement plus efficace pour le soutien de ce secteur.» Seule certitude, la hausse des surfaces commerciales vides devrait atteindre des records cette année dans le canton.