La reconnaissance faciale automatisée inquiète

Cette technologie, qui présente de gros avantages sécuritaires, menace aussi les libertés individuelles. Les polices genevoises ne l’utilisent pas et préfèrent toujours faire appel à un œil humain. La loi suisse est pourtant peu restrictive en la matière et l’évolution dans ce domaine est suivie de près par les forces de l’ordre.

  • La vidéosurveillance par reconnaissance faciale est autorisée dans plus de 100 pays.  Ci-dessous: Bertrand Reich, avocat et président du PLR Genève. 123RF/DR

    La vidéosurveillance par reconnaissance faciale est autorisée dans plus de 100 pays. Ci-dessous: Bertrand Reich, avocat et président du PLR Genève. 123RF/DR

On s’en sert déjà pour identifier des manifestants violents en Autriche et les fraudeurs dans les gares espagnoles. La vidéosurveillance par reconnaissance faciale à des fins de surveillance est autorisée dans plus de 100 pays. Et en Suisse? La législation ne l’encadre toujours pas explicitement.

«La loi a toujours du retard sur la technologie, souligne Yvan Perrin, consultant en sécurité et secrétaire général de l’UDC Genève. Le législateur va devoir mettre le curseur au bon endroit pour à la fois décourager les abus façon «Big brother» et favoriser la sécurité, notamment dans les cas de terrorisme ou d’enlèvement d’enfants…».

Cet ancien policier voit dans la reconnaissance faciale automatisée un outil très efficace qui devrait pouvoir être utilisé dans le cadre d’enquêtes pénales sur autorisation d’un procureur comme c’est le cas pour les écoutes téléphoniques ou les perquisitions.

Genève s’abstient, Vaud pas

Pourtant, à Genève, aucune police n’utilise cette technique, ni même n’envisage de le faire. La police cantonale confesse toutefois suivre avec un vif intérêt les diverses évolutions dans ce domaine. «Nous avons recours aux compétences de collègues particulièrement physionomistes lorsqu’il s’agit d’identifier un suspect sur des images de vidéosurveillance», précise Jean-Philippe Brandt, un de ses porte-paroles.

La police vaudoise, en revanche, a recours à la reconnaissance faciale depuis 2008 dans le cadre d’enquêtes judiciaires avec l’aval du préposé à la protection des données et jamais de manière automatisée dans l’espace public. «Nous comparons alors une image prélevée dans le cadre d’une infraction avec celles de suspects précédemment répertoriés dans une base de données police», précise Jean-Christophe Sauterel, chef de la communication de la Police vaudoise. Ses homologues d’Argovie, de Schaffhouse et de Saint-Gall ont aussi recours à de tels logiciels.

Premier pas vers une surveillance généralisée?

«Le risque est que cette technologie s’immisce peu à peu dans nos vies et que tout le monde finisse par trouver cela normal sans qu’aucun débat démocratique de fond n’ait été mené», met en garde le socialiste lausannois Benoît Gaillard. Les ONG Amnesty international, AlgorithmWatch et Société Numérique viennent de lancer à ses côtés une pétition exigeant «l’interdiction de la reconnaissance faciale automatisée et de la surveillance biométrique de masse en Suisse».

Me Bertrand Reich, président du PLR genevois, souligne, de son côté, que l’utilisation de tels outils doit être strictement encadrée par la loi afin de ne jamais basculer dans des dérives de contrôle social comme c’est le cas en Chine. «Les citoyens ont un droit à l’image et à l’oubli et un à la protection de leurs données! Le projet de loi sur la sauvegarde de l’identité numérique, lancé par notre parti et actuellement examiné en commission, va dans le sens de sa protection, y compris pour ce qui est de la reconnaissance faciale.»

Une technologie en plein boom

LG • La vidéosurveillance par reconnaissance faciale automatisée permet d’identifier en un temps record et avec une certitude de parfois 99,63% (selon le logiciel utilisé), une personne, en direct ou a posteriori. Et ce, en comparant automatiquement les vidéos du sujet avec les images et données biométriques contenues dans de gigantesques bases de données. Inventée dans les années 70, cette technologie est désormais parfaitement au point. En 2020, elle a généré mondialement 4,2 milliards de francs et l’institut Marketsandmarkets estime que, dans cinq ans, ce chiffre atteindra 9,4 milliards.