Les réseaux oui, la censure non!

Les réseaux sociaux sont une révolution dans notre accès, à tous, à l’expression libre. Ils doivent le rester, à tout prix. Toute tentative de normalisation par le haut équivaut à une censure.

  • Les réseaux sociaux, un espace de liberté qu’il faut préserver. 123RF

    Les réseaux sociaux, un espace de liberté qu’il faut préserver. 123RF

Je suis, vous le savez, un partisan acharné des réseaux sociaux. Ils ont changé ma vie, je l’assume totalement, comme celle de centaines de millions de gens sur la planète. Grâce à eux, toute personne peut, si elle le souhaite, créer un espace d’expression où elle sera souveraine. Vous y écrivez ce que vous voulez, vous choisissez les thèmes, le fond, la forme, les angles d’attaque, les titres: bref, vous êtes votre propre éditeur. Ainsi, le privilège que j’ai dans ce journal, celui de m’exprimer librement sur un sujet de mon choix, les réseaux sociaux nous l’offrent à tous. Pour peu que nous sachions à peu près nous tenir: respect de la loi, pas de diffamation, pas d’atteinte à la sphère privée, etc.

Talents insoupçonnés

Donc oui, vivent les réseaux sociaux! On n’y sent peut-être pas l’intimité d’une rédaction, comme dans le journal que vous tenez entre les mains. Mais tout de même: vous y découvrirez l’infinie diversité de l’humanité, avec parfois de très belles plumes, vives, surprenantes, venant de parfaits inconnus: sans les réseaux, comment des talents insoupçonnés auraient-ils pu partager leurs enthousiasmes, leurs connaissances, leurs vibrations face à la vie?

De quel droit des «esprits supérieurs» pourraient-ils se permettre de prendre de haut cet accès de tous à l’expression? Les puristes du style littéraire n’ont d’ailleurs pas de souci à se faire: les qualités de plume se voient, quel que soit le support, les déficiences aussi.

Vif, direct

Les réseaux ont fait irruption, et ils vivront. Leur accessibilité à tous, leur immédiateté, leur simultanéité face à l’événement (qui les rapproche beaucoup de mon média préféré, celui auquel j’ai le plus donné dans ma vie, la radio), tout cela donne un vertigineux coup de vieux au bon vieux monde des éditeurs, de livres ou de journaux, des intermédiaires, et même des «rédactions», avec leurs séances lourdingues, leurs pesanteurs, leurs hiérarchies, leurs rivalités internes. Face à ce marécage des ambitions, le réseau est vif, direct, il fuse, il pulvérise les codes.

Bref, un espace de liberté. D’où notre stupeur à tous, lorsque nous avons vu un grand réseau mondial couper le sifflet, d’un coup, à un président des Etats-Unis, comme par hasard au moment où tout le monde le quitte: les courageux censeurs de la vingt-cinquième heure! Quoi qu’on pense de Donald Trump, cette initiative catastrophique jette une ombre. D’autant plus avec la chasse aux sorcières qui a suivi: des milliers de fermetures de comptes, non pour atteinte à la loi, mais pour délit d’opinion.

Après Donald Trump, qui?

Aujourd’hui, Donald Trump et les siens. Demain, qui? Demain, nous tous! Chacun de nous peut, à tout moment, déplaire, c’est même éminemment souhaitable dans une démocratie! Alors, quoi? Une instance supérieure (je ne parle pas ici de la loi) viendrait nous couper la chique, sous prétexte que nous ne serions pas dans le sillage du convenable? Et ce sillage, qui le trace? Une oligarchie? Si nous allons à cela, alors toute l’expérience des réseaux, si libératrice dans un premier temps, se transformerait en une pitoyable machine à épouser la pensée dominante. Vous avez envie de ça, vous?