Par pitié, surtout pas des saints!

POLITIQUE • Mettons les choses au point: on n’élit pas des gens pour qu’ils «soient». Mais pour qu’ils «fassent». Jugeons-les sur leur efficacité au service du bien public. Pas sur des critères de morale.

  • Nous élisons nos représentants pour qu’ils travaillent au service de la communauté. ©Service du parlement 3003 Berne

Pourquoi élisons-nous des magistrats exécutifs, ou des députés? La réponse est simple: pour qu’ils travaillent au service de la communauté, et qu’ils obtiennent des résultats. Les ministres, en donnant l’impulsion gouvernementale. Les parlementaires, en votant des lois utiles (et non superflues), et en contrôlant rigoureusement l’activité de l’exécutif. Nous les élisons pour cela, et pour cela seulement.

Juger sur les actes

Nous ne les élisons pas pour qu’ils «soient» des hommes et des femmes bien, dont on puisse dire: «Quelles qualités, quelles valeurs morales!», etc. Nous ne les élisons absolument pas, non plus, pour qu’ils «donnent l’exemple» à la population, par un comportement personnel, privé, qui ferait d’eux des modèles de vertu. Pour cela, nous avons des saints, ou apparentés, c’est très bien aussi, mais désolé, ça ne relève pas de l’ordre politique. En clair, nous ne les envoyons pas siéger pour qu’ils «soient», mais pour qu’ils «fassent».

Juger sur le «faire», plutôt que sur l’être. Tel a toujours été, comme citoyen, mon exigence face aux politiques. Ce que je dis là est diamétralement contraire à tout ce que vous pouvez lire, entendre, partout autour de vous, toute cette pesanteur morale, toutes ces enquêtes insupportables sur la vie privée des élus, comme s’ils devaient être parfaits. Je dis et je pense l’opposé de cette chape de plomb qui s’est invitée à peser sur nos consciences. Cette opposition radicale à la mode du moment, je l’assume.

Au service d’une cause

Je me passionne pour la politique depuis l’enfance. J’avais 12 ans et demi à la mort de Charles de Gaulle, mon père m’a offert les Mémoires de Guerre, dans la superbe édition de chez Plon, j’ai immédiatement dévoré l’ouvrage, et en un demi-siècle, j’ai bien dû le relire cent fois. On y découvre un homme au service d’une cause, prêt à tout pour y parvenir, y compris la ruse politique la plus éprouvée. Il ne ruse pas pour lui-même! Pas pour s’enrichir! Mais pour atteindre l’intérêt suprême qu’il se fixe: libération du territoire, restauration de la souveraineté, finir la guerre (même sur un strapontin) à la table des vainqueurs. A ce dessein final, qui est de l’ordre d’un destin national, il subordonne tout, y compris la morale. Il fait de la politique comme Richelieu ou Mazarin, avec la part de cynisme que cela implique. Au final, on le lui pardonne. Et cela, pour une seule raison: parce qu’il a réussi. S’il avait échoué, l’histoire l’aurait laissé sur le chemin.

Laisser la morale aux moralistes

La politique n’est pas une éthique de la morale, elle est une stratégie de réussite. Il ne s’agit pas «d’être» quelqu’un de bien (c’est même, à mes yeux, totalement hors sujet), mais d’atteindre des objectifs utiles au bien commun. La Libération de la France, au final, c’est mieux que son Occupation. La souveraineté maintenue d’une nation, c’est mieux que son assujettissement. Peu importe quels hommes, quelles femmes nous ont permis d’atteindre ces buts suprêmes, peu importe qu’ils soient moralement des exemples. La seule chose qui compte, c’est qu’ils aient atteint des objectifs utiles au bien public. Je vous invite donc, fraternellement, à laisser la morale aux moralistes. Et à juger les politiques sur ce qu’ils font, non sur ce qu’ils sont.