Où est passée la vague violette?

  • MP

14 juin 2019: une vague violette déferle sur la Suisse. Dans les rues de Genève, des dizaines de milliers de manifestantes défilent, chantent et dansent. Leur message: sans elles, impossible de faire tourner les rouages de notre société. Sans leur travail au bureau et à la maison, impossible que la baraque tienne bon!

Les revendications s’affichent sur les banderoles de la grève féministe. Au premier rang de celles-ci: l'égalité salariale. Elles sont aussi nombreuses à dénoncer les violences domestiques. Ou à rappeler le droit à disposer de leurs corps. Le slogan est clair: «Égalité. Point final!» La puissance du cri, la force du nombre emporte tout sur son passage. La sororité est en marche. Rien ne semble pouvoir l’arrêter. Une démonstration fascinante devant le regard admiratif d’hommes de toutes les générations.

14 juin 2022: que reste-t-il de cet incroyable élan solidaire? De cette incommensurable vague? Le cortège, pour des questions d’organisation, est désormais réparti en tronçons allant des femmes paysannes aux foulards violets. Sans compter la partie du cortège «en mixité choisie sans homme cisgenre». Le logo, lui aussi, a changé. Le symbole féminin au centre duquel se dresse un poing rageur aux ongles rouges s’est paré de deux nouvelles flèches. Quant au vernis, il est devenu arc-en-ciel. De quoi rendre ce logo plus inclusif, en mettant en avant le combat des personnes transgenres et non binaires. Mais aussi de quoi diluer le message. La lutte contre les discriminations et les violences est certes l’affaire de tous. Mais, qu’est devenu le sens premier de la grève féministe? Que reste-t-il de la vague violette, symbole de la revendication des droits des femmes, soit la moitié de l’humanité? Comme le clamait la militante Benoîte Groult, «le féminisme ne se résume pas à une revendication de justice, parfois rageuse, ni à telle ou telle manifestation scandaleuse; c'est aussi à la promesse, ou du moins l'espoir, d'un monde différent et qui pourrait être meilleur», pour tout un chacun.