Policiers jugés suite à un rodéo automobile nocturne

Deux agents ont roulé avec deux véhicules banalisés à plus de 120 km/h sur un tronçon limité à 50. Après s’être rentrés dedans, ils ont tenté de camoufler leur escapade. L’audience a lieu vendredi 4 juin.

  • Les deux agents avaient quitté l’hôtel de police de Carl-Vogt chacun au volant d’un véhicule

    Les deux agents avaient quitté l’hôtel de police de Carl-Vogt chacun au volant d’un véhicule de police banalisé. AMM

Vendredi 4 juin, les deux prévenus se garderont bien d’arriver au tribunal de police toute sirène hurlante. Ces deux hommes, l’un âgé d’une trentaine d’années, l’autre approchant la cinquantaine, comparaissent pour violation intentionnelle des règles de la circulation routière. Mais, on est loin du banal excès de vitesse ou du feu rouge grillé. Tout d’abord parce qu’au moment des faits, tous deux étaient policiers. Récit.
Le 1er mai 2020, vers 1h30, le duo quitte l’hôtel de police de Carl-Vogt. Chacun au volant d’un véhicule de police banalisé. A bord du premier véhicule se trouvent le quadragénaire et un passager. L’autre est conduit par le trentenaire, accompagné de deux passagères. Est-ce pour impressionner ces dernières que les deux policiers foncent aux commandes de leurs bolides dans la nuit? La question subsiste.

Feux grillés et pointes de vitesse

Quelle qu’en soit la raison, les deux conducteurs se lancent dans une course nocturne enchaînant les infractions. Dès la sortie du parking de l’hôtel de police, le cadet prend à droite, rue Michel-Simon, au mépris du signal «accès interdit», puis rejoint son comparse boulevard Carl-Vogt. S’ensuit une compétition sur les chapeaux de roues entre les pilotes. Une course durant laquelle les deux conducteurs empruntent tour à tour des voies réservées aux bus, grillent des feux de signalisation, enclenchent la sirène et les feux bleus. Et enchaînent les excès de vitesse roulant à plus de 100 km/h sur le pont de Saint-Georges, au lieu des 50 autorisés. Puis, à 110 km/h voire à plus de 120, sur la voie Centrale, en direction de la Praille, sur un tronçon là encore limité à 50 km/h.

Heurt sur la route de Saint-Julien

La course-poursuite continue sur l’autoroute avec une pointe à 143 km/h (au lieu des 80 km/h autorisés) pour le trentenaire lorsqu’il parvient à dépasser son aîné dans la tranchée couverte d’Arare. Avant de se faire doubler à nouveau à la sortie. C’est sur la route de Saint-Julien que les choses se gâtent lorsque les deux voitures se rentrent dedans. Un heurt qui met fin au rodéo nocturne.
Tentant alors de camoufler leur escapade, les deux conducteurs quittent les lieux de l’accident et roulent pendant une heure. A priori pour effacer les données enregistrées durant l’heure précédente. Puis, tous deux finissent par avertir le commissaire de service en cachant les circonstances de l’accident et l’étendue des dégâts.

Procédure simplifiée

Le pot aux roses étant découvert, les deux hommes sont arrêtés le 6 mai vers minuit avant d’être libérés le 7 aux alentours de midi. Aux yeux du Ministère public, tous deux se sont rendus coupables de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière. Ils sont renvoyés devant le Tribunal de police mais y seront jugés via une procédure simplifiée. Autrement dit, les prévenus ont déjà accepté la sentence fixée par le procureur général Olivier Jornot. Soit une peine privative de liberté de 18 mois assortie du sursis.
«Voulant prendre ses responsabilités, mon client a reconnu les faits, commente Me Robert Assaël, avocat du trentenaire. Il les regrette profondément et a d’ores et déjà accepté la peine que le procureur général voulait lui infliger. Vendredi, il n’y aura pas de véritables débats, le tribunal vérifiant juste si les prévenus ont véritablement voulu l’accord.»
Quant aux motivations de son client, l’avocat tient à préciser qu’il «n’a absolument pas agi pour épater les deux passagères. Il était plutôt dans une fuite en avant dans les erreurs.» A noter qu’il a quitté la police et changé d’orientation professionnelle.
Quant au second, défendu par Me David Bitton, il s’agit d’«un inspecteur au parcours sans tache, très apprécié. Ce jour-là, on est en plein Covid, après une journée très difficile. Il vient notamment de prévenir la famille d’une personne décédée. Cela n’excuse pas les faits mais cela explique le contexte.» Aux yeux de l’avocat, «cette affaire illustre les fortes pressions, la grosse responsabilité qu’endurent ces hommes sans être bien accompagnés.»