«Avec les déductions autorisées lors d’excès de vitesse, l’infraction devient un crime pour seulement 4 km/h»
Me Grégoire Rey
Antonio * (prénom fictif), 37 ans, d’origine portugaise, risque de devoir plier bagages. Entrepreneur dans le bâtiment, il pourrait devoir mettre la clé sous le paillasson et retourner vivre dans le pays qu’il a quitté quand il était petit enfant.
Excès de vitesse
Son crime? Avoir trop appuyé sur le champignon sur l’autoroute A1 entre Conthey et Sion, le 7 avril dernier en plein après-midi. L’excès de vitesse, il est vrai, est énorme. Antonio roulait à 84 km/h au-dessus de la moyenne. Soit à 204 km/h sur un tronçon limité à 120 km/h.
Conséquences
Mais pour son avocat, les conséquences de cette infraction reconnue, mais liée aux nouvelles normes Via Sicura, sont intolérables. «Avec les déductions autorisées lors d’excès de vitesse, l’infraction devient un crime pour pour 4 km/h. A 199 km/h, c’est une infraction simple, avec 3 mois de retrait de permis et une amende. 1 km/h de plus, c’est les portes de l’enfer qui s’ouvrent pour le chauffard. On le détruit. Mon client n’a jamais commis d’infractions de sa vie. Il va écoper d’une année de prison avec sursis et d’un retrait de permis de conduire de deux ans. Et comme il est contremaître, sans voiture, il sera licencié. En plus de risquer de perdre son permis de séjour!» Me Grégoire Rey, avocat genevois commis d’office en Valais pour défendre cet automobiliste incarcéré après son excès de vitesse, ne peut cautionner cet aspect pervers du nouveau programme Via Sicura visant à diminuer les accidents de la circulation.
Criminel de la route
Et d’appuyer: «J’ai honte d’avoir laissé passer cette loi de facho sans m’y être opposé! Comme les élans extrémistes fleurissant ces derniers temps contre à peu près toutes les minorités, elle est un exutoire de plus à la colère d’une population toujours plus malheureuse. C’est un bouc émissaire: le nombre de morts sur les routes n’a jamais été aussi bas». Indigné, Me Rey a posté ce message sur sa page Facebook, à Pâques. Ce qui a immédiatement déclenché de très vives et très nombreuses réactions d’une septantaine d’internautes, allant du simple citoyen à des personnalités genevoises.
Réactions en cascade
Parmi elles, René Desbaillets, président de la section genevoise de l’Automobile club suisse (ACS), qui relève: ═«Attention, quand même de ne pas faire d’un chauffard, qui n’a pas eu d’accident, un chômeur avec une famille à la charge de l’Etat!»
On y lit également des commentaires variés, comme «c’est bien fait pour lui». Ou encore: «204 km/h, ce n’est pas responsable certes mais les peines sont disproportionnées par rapport aux faits. Je ne vois pas le rapport avec le fait de perdre son permis de séjour. C’est un scandale! Quand je pense qu’un violeur ne prend pas plus de prison…»
Initiative populaire
De Genève au Valais en passant par Fribourg, la majorité des gens sont choqués. Depuis mars, d’ailleurs, une grande opposition s’organise autour des dérives de cette loi via une initiative populaire. Elle est actuellement en train d’être concoctée par un procureur général fribourgeois, des avocats valaisans – appelés les avocats de la route – ainsi qu’un groupe de citoyens de Monthey. Ensemble, ils viennent de créer l’association Stop aux abus de Via Sicura.