«La restriction de nos libertés est très inquiétante»

MUSÉE • A la tête de l’incontournable Mamco, Lionel Bovier a dû se battre pour que son équipe puisse toucher des indemnités RHT. Côté expositions, il a dû revoir l’intégralité de la programmation jusqu’en 2023. Entretien.

  • Le directeur Lionel Bovier prévoit une réouverture du Mamco en mars.

    Le directeur Lionel Bovier prévoit une réouverture du Mamco en mars. ©dr

Comme l’ensemble des acteurs culturels genevois, le Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) est fermé au public. Lionel Bovier, qui dirige l’institution depuis 2016, fait face avec une certaine philosophie. Sa crainte concerne principalement la restriction des libertés des citoyens.

GHI: Le Mamco est à l’arrêt. Quel est votre état d’esprit?
Lionel Bovier:
Je ressens certainement la même chose que les autres institutions culturelles genevoises. Ce qui est triste, c’est d’être coupé de son public. Nous, mais aussi les gens, ressentons un véritable manque. Un manque très important qui commence à s’éterniser. Notre chance au Mamco, c’est d’avoir d’autres tâches. En effet, nous gérons une collection et cela nous a permis d’occuper nos journées l’an dernier. Nous avons, par exemple, vérifié que les inventaires effectués correspondaient aux pièces présentes dans nos dépôts. Mais aussi fait du rangement comme l’ensemble de la population durant les divers semi-confinements. Vu la tournure des événements en ce début d’année, nous allons certainement nous y consacrer encore quelques mois.

– Cela veut dire que vous n’imaginez pas une ouverture dans l’immédiat?
J’ai pour l’instant prévu une réouverture en mars avec l’exposition Inventaire. Mais comme il s’agit de pièces que nous avons dans nos dépôts, nous pouvons être très réactifs. Et éventuellement reporter cette expo au fur et à mesure des décisions des autorités, sans contraintes extérieures. J’espère quand même que cet été, nous pourrons passer à autre chose et proposer des activités aux Genevois. De toute manière, depuis le début de la pandémie, je me suis dit que l’Etat pouvait imposer des mesures sanitaires durant dix-huit mois. Plus longtemps, la population ne les supporterait pas, selon moi. Il faudra trouver autre chose que des fermetures pour contenir le virus.

– Vous avez mis en ligne une partie de votre collection, vous l’avez fait par dépit?
Non, cela fait partie de notre mission fondamentale. Nous avons enfin eu du temps pour le faire. Après, si l’on élargit le discours, il est vrai que le digital ne remplace pas une visite physique. Loin de là. Et que dire de la rencontre avec les artistes. Franchement l’application Zoom convient pour un conseil d’administration, pas pour échanger avec des personnes. On y perd énormément.

– Au quotidien, la pandémie alourdit la charge administrative. Vous vous en accommodez?
Je n’ai pas le choix. Concernant les (indemnités) RHT (réduction de l’horaire de travail), j’ai cependant dû me battre. Car elles ont été acceptées au départ, puis refusées. J’ai dû prouver que des emplois étaient en danger. Finalement, la décision positive est tombée en décembre dernier, ce qui a été un vrai soulagement pour l’ensemble du personnel.

– En ce qui concerne la programmation du Mamco, quel sera l’impact de la pandémie à court terme?
Nous avons fait le pari de reporter l’ensemble de notre programmation. Ce qui nous a obligés à revoir de fond en comble notre agenda jusqu’en 2023. C’est compliqué, mais nous y arriverons pour autant que nous puissions rouvrir à un moment donné. Il faut savoir faire preuve d’agilité, c’est une évidence. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la restriction de nos libertés. J’ai peur qu’elle ne dure après la pandémie.