«Le streaming est un piège pour le monde culturel»

SPECTACLE • Se présentant comme une maison pour le travail des arts de la scène, le Théâtre du Galpon traverse cette période compliquée en accumulant les répétitions. La seule solution pour maintenir de la vie dans ses murs selon son codirecteur, Gabriel Alvarez.

  • Gabriel Alvarez est le codirecteur du Théâtre du Galpon au Petit-Lancy. ©Stéphane Cholleet

Gabriel Alvarez est en colère. Le codirecteur du Galpon ne comprend pas pourquoi les théâtres doivent rester fermés alors que la population s’entasse dans les transports publics. Une colère qui le pousse à imaginer un monde d’après différent où la culture retrouverait ses lettres de noblesse. Sans trop y croire.

GHI: Quel est le quotidien au Théâtre du Galpon depuis le début de la pandémie?
Gabriel Alvarez:
Paradoxalement, depuis un an, le théâtre continue d’être très vivant car de nombreuses compagnies viennent répéter ou imaginer de nouvelles créations dans nos murs. Cela nous permet de supporter les diverses fermetures. Après, la rupture du lien avec notre public est compliquée, mais cela n’étonnera personne.

– Vous êtes en colère?
Bien entendu! D’abord, on ne sait pas quand on pourra rouvrir. Dans une semaine? Un mois? Plus? C’est forcément pénible à vivre. Ensuite, ce qui m’agace le plus, c’est de voir les théâtres fermés alors que les gens s’entassent dans les transports publics. C’est tout simplement absurde.

– Le fait que les théâtres soient considérés comme non-essentiels est une pilule difficile à avaler?
Pas forcément, la pandémie révèle beaucoup de choses. Mais déjà avant, les petits théâtres comme le nôtre ne faisaient pas forcément partie des priorités d’une société basée sur le profit. La Ville de Genève nous soutient financièrement en maintenant sa subvention. Heureusement que c’est encore le cas car du côté de la Confédération, les propos tenus sont tout simplement lamentables depuis le début de la crise. Nos chers conseillers fédéraux n’évoquent presque jamais le secteur culturel.

– Donc, financièrement parlant, vous tenez le choc?
Oui, on arrive à s’en sortir. Certains employés ont été mis en RHT, forcément. Mais le personnel administratif, par exemple, continue de travailler. Il y a de quoi faire.

– Il faut notamment repenser l’agenda des prochains mois…
Effectivement et ce n’est pas chose aisée. Car nous ne souhaitons pas annuler le moindre spectacle. Le but est de proposer un programme qui sera constitué de nouvelles créations et de reports. A parts égales. Il faut donc jongler avec les dates et trouver des cases libres. Nous y sommes parvenus ces dernières semaines, ce qui veut dire que nous sommes prêts en cas de réouverture.

– Vous n’avez rien proposé en streaming depuis le début de la pandémie, pourquoi?
C’est très simple, selon moi, le streaming est un piège pour la culture. Car le théâtre et la danse sont des arts vivants, le virtuel ne permet absolument pas de conserver ce qui fait leur essence. Nous utilisons la vidéo comme une mémoire, mais nous ne proposerons jamais des créations uniquement sur Internet, je peux vous l’assurer.

– Sur un plan plus personnel, que pensez-vous de la période actuelle?
Ce qui m’énerve, c’est que l’on culpabilise la population alors que depuis trente ans, nos autorités ont réduit le budget consacré à la santé et donc au système hospitalier. C’est logique que nous soyons dans une situation compliquée aujourd’hui. Nous devons changer le fonctionnement de notre société et remettre de l’argent dans le secteur de la santé. Une prise de conscience doit se faire. Et vite.