«Nous avons saisi la justice pour obtenir des RHT»

 Jean Liermier est sur tous les fronts depuis le début de la pandémie. En plus des retards sur le chantier du futur Théâtre de Carouge, le directeur doit faire face à la deuxième fermeture de La Cuisine, la scène éphémère prévue en attendant le nouveau bâtiment.

  • Jean Liermier: «Les artisans du spectacle sont dans une grande précarité.» STéPHANE CHOLLET

    Jean Liermier: «Les artisans du spectacle sont dans une grande précarité.» ©Stéphane Chollet

Pour Jean Liermier, directeur du Théâtre de Carouge depuis 2008, la culture a un rôle fondamental à jouer et il faut se battre pour que ce secteur ne s’effondre pas. Interview.

GHI: Comme l’ensemble des théâtres genevois, La Cuisine a dû fermer une nouvelle fois ses portes pour raisons sanitaires. Comment le vivez-vous? Jean Liermier: C’est un coup de massue d’une extrême violence. Mais nous nous devons de rebondir et de continuer à créer avec les comédiens et les techniciens, afin d’entretenir les liens avec les spectateurs. Nous travaillons sans relâche avec l’ensemble de nos équipes afin de proposer, via notre site internet et les réseaux sociaux, des formes qui permettront à celles et ceux qui le souhaitent de s’extraire de la situation anxiogène que nous traversons.

– Jouer sans public, c’est possible? C’est un non-sens, mais nous devons nous adapter, comme le reste de la société. Bien sûr, je fulmine contre celui qui a mangé du pangolin, mais il faut aller de l’avant sans s’opposer les uns aux autres. Quand je vois à nos portes les rébellions contre les mesures sanitaires, je me dis que les lieux culturels ont un rôle fondamental d’apaisement à jouer en ce moment.

– Vous vous sentez suffisamment soutenu par les pouvoirs publics? A Genève, nous en sommes à devoir saisir la Cour de justice pour faire valoir nos droits concernant l’accès aux RHT (réduction de l’horaire de travail, communément appelée «chômage technique») de la première vague… Après deux préavis positifs au printemps, l’Office cantonal de l’emploi est revenu en arrière en juin, alors même que l’ensemble des cantons suisses les accordait aux institutions. Ce n’est clairement pas ce qu’il y a de plus «soutenant» comme attitude.

– Financièrement, la période est donc extrêmement compliquée? Faute de réponse du Canton pour le Fonds d’indemnisation, nous ne pouvons pas boucler nos comptes et notre trésorerie est gérée en flux tendu. Mais je me bats pour les emplois des artisans du spectacle qui sont dans une grande précarité. Sinon c’est tout un secteur qui s’effondrera, avec des impacts économiques bien au-delà du domaine de la culture.

– Le chantier du futur Théâtre de Carouge a pris du retard? Un peu oui, il a été arrêté durant les deux mois lors du premier confinement et les conditions de travail des ouvriers sont compliquées en pleine pandémie. Le futur Théâtre devrait ouvrir au public à la fin 2021 ou au début 2022 au plus tard. Quant à La Cuisine, nous la quitterons définitivement en juin 2021, aussi nous jouerons l’automne prochain des spectacles en plein air, en bas de chez vous.

– Que peut-on vous souhaiter pour la suite? Qu’une voix sorte du lot et amène des perspectives et du sens à ce que nous traversons. Et de garder la foi dans une société où la culture n’est pas un gadget, mais une nourriture à part entière, l’être humain étant un animal social: c’est de l’avenir de nos enfants dont il s’agit.