Stationnement des vélos: vers le grand chaos?

Les petites reines mal garées gênent souvent 
les piétons. La faute notamment aux vélos cargo, aux vélos avec remorques et autres engins électriques souvent éléphantesques qui conduisent à une cohabitation parfois difficile.

  • Au centre-ville, les intersections sont régulièrement obstruées par des vélos, ce qui contraint les piétons à slalomer pendant leurs déplacements. TR

«Certains jours, ça devient difficile d’entrer dans ma boutique à cause des nombreux vélos stationnés devant. Pourtant, j’ai posé un message sur ma devanture pour leur rappeler aux cyclistes de ne pas le faire: cela rend mon commerce beaucoup moins attractif et peut même se ressentir sur mon chiffre d’affaires», se lamente un employé d’une petite enseigne, située le long des voies de trams, sur la rue de la Terrassière. Une situation que vit également Hector, chef d’entreprise à Rive, qui doit bien souvent lutter avec sa chaise roulante pour se frayer un passage sur des trottoirs encombrés. «Parfois, je dois pousser une roue qui dérange, ce qui énerve le propriétaire du cycle s’il est dans le coin. Je me suis même déjà fait insulter alors que les trottoirs ne leur sont pas réservés!», témoigne le quinquagénaire.
Et pourtant, bien que gênantes, ces deux situations sont loin d’être uniques: des Pâquis aux Eaux-Vives, en passant par Carouge et Plainpalais, certains trottoirs sont véritablement envahis par des engins appartenant à cette catégorie que l’on appelle mobilité douce. Vélos, vélos-cargos, vélos électriques, vélos avec remorque pour les enfants, trottinettes massives: avec le temps, les piétons genevois ont appris à contourner ces nombreux obstacles, une problématique qui touche plus spécifiquement les personnes âgées.
Espace libre d’1,50 m
Une réalité d’autant plus étonnante que les autorités s’étaient montrées particulièrement déterminées à faire de la place sur les trottoirs du canton en appliquant une tolérance zéro pour les véhicules motorisés depuis 2021. Aujourd’hui, la loi est claire: seuls les cycles peuvent être parqués sur le trottoir, «pour autant qu’il reste un espace libre d’au moins 1,50 m pour les piétons». Résultat: après une véritable pluie d’amendes, les propriétaires de scooters et de motos ont définitivement abandonné les trottoirs, remplacés aujourd’hui par des véhicules sans moteurs mais parfois tout aussi imposants. Et la distance d’1,50 m, elle, est rarement respectée.
Une situation qui a de quoi faire penser à celle d’Amsterdam, considérée comme la capitale du vélo, où les autorités ont finalement été contraintes de prendre des mesures drastiques pour dégager les rues, et libérer les nombreux accès à des lieux publics, de plus en plus obstrués. Une brigade spéciale a notamment été mise en place pour traquer spécifiquement les vélos et des dizaines de milliers de places supplémentaires ont vu le jour (lire encadré).
Amendes si besoin
A Genève, si nous n’en sommes pas encore là, les associations se disent conscientes du problème et proposent des solutions. Du côté du TCS, 
on estime que la règle d’un espace 
libre d’1,50 m doit être appliquée et respectées sur tous les trottoirs. «Il doit y avoir suffisamment de place pour que les piétons, les poussettes et les personnes en fauteuil roulant puissent déambuler en sécurité. Dans le cas contraire, une amende est indiquée», estime François Membrez, président de la section Genevois du TCS.
Une règle qui, d’après l’association, permettrait aux deux-roues motorisés de bénéficier à nouveau de la tolérance les autorisant à se garer sur les trottoirs sans gêner le passage. «Nous préconisons que tant les scooters que les vélos soient tolérés sur les trottoirs si ces derniers sont larges. D’une manière générale, la politique doit favoriser la vie des gens, c’est-à-dire s’abstenir d’infliger des amendes lorsque personne n’est dérangé, mais au contraire réprimer les comportements irrespectueux ou mettant en danger autrui», précise François Membrez.
Du côté de Pro Vélo, on partage la préoccupation de garantir un espace suffisant pour les piétons. L’association est notamment à l’origine de messages de prévention, diffusés pour appeler les cyclistes à se mettre à la place des autres usagers. Par ailleurs, Pro Vélo demande également de meilleurs aménagements pour les petites reines, notamment les plus imposantes d’entre elles. «Il faut penser à tous les types de vélos. Aujourd’hui, les vélos-cargos n’entrent pas dans les places traditionnelles. Il est urgent de réaliser des places spécifiquement pour ces nouvelles catégories qui répondent aux besoins des familles et des entreprises», plaide Olivier Gurtner, président de la section genevoise.
L’association relève également une importante disparité selon les quartiers. «A certains endroits, l’offre de stationnement ne répond pas à 
la demande. Dans les nouveaux 
quartiers, on intègre mieux les vélos-cargos et «long tail». Mais pour les anciens, des solutions doivent être trouvées pour compenser ce manque dans l’espace public», conclut le président. (DSM).
Nouvelles places testées
Du côté des autorités cantonales genevoises on reconnaît que la gestion de l’espace laissé par les vélos stationnés sur les trottoirs est «plus difficile à gérer». En cause, l’Ordonnance fédérale qui impose de garantir un espace libre d’au moins 1,50 m pour les piétons, dont l’application est qualifiée de «pratiquement impossible» par le Département de la santé et des mobilités. Une réponse qui interroge sur l’utilité de l’ordonnance en question.
Pour ce qui est des vélos épaves, le Département se dit conscient du problème. «Notre volonté est de libérer les trottoirs et les routes de ces vélos qui engendrent des problèmes pour les autres usagers, les commerçants, les personnes à mobilité réduite ou encore les personnes avec des poussettes», précise Cédric Alber, directeur de la communication.
S’agissant de ce phénomène, le Canton renvoie également la balle à la Ville de Genève et aux autres communes, elles aussi déterminées à traquer les épaves, comme nous l’évoquions déjà il y a trois ans dans nos colonnes (www.ghi.ch/le-journal/la-une/la-ville-traque-les-epaves-de-velos).
Enfin, en ce qui concerne les vélos cargos, les autorités promettent de faire évoluer la situation. «Des emplacements spécifiques commencent à être testés à Genève. Notamment en prévoyant des cases «livraisons» vélos-cargos et des cases utilisables par tous les usagers. C’est une action qui s’inscrit dans le Plan d’action du stationnement (PAST), éclaire Cédric Alber.
Le Canton rappelle également augmenter régulièrement le nombre de places de stationnement pour les vélos et les deux-roues motorisés, en général, que ce soit sur la voie publique, dans les ouvrages de la Fondation des parkings ou encore avec le déploiement des vélos stations.

Vélos mal garés: Amsterdam a serré la vis

Tous ceux qui ont eu la chance d’y aller l’ont constaté: à Amsterdam, le vélo est roi. Ici, c’est l’intégralité du mobilier urbain qui sert à attacher sa monture: presque aucun grillage, poteau ou barrière ne sont épargnés dans l’espace public. Une situation qui est même devenue problématique il y a quelques années, alors que les accès de nombreux bâtiments publics et de monuments étaient obstrués en permanence par des cycles, notamment par des «vélos épaves», abandonnés par leur propriétaire. Pour faire face à ce problème, les autorités ont mis en place un système de macarons: il laisse 15 jours au propriétaire pour retirer sa petite reine gênante, sans quoi elle est enlevée. Autre solution mise en place: la création de plus de 16'000 nouveaux espaces de stationnement depuis 2015, le plus souvent en souterrain, et l’enlèvement de supports à vélo en extérieur. De quoi redonner davantage d’espace aux piétons et améliorer la qualité de vie des habitants.