Tourisme: "Genève séduit surtout les Suisses!"

Le tourisme genevois a le vent en poupe affiche  au premier trimestre 2024, une nouvelle hausse de fréquentation de ses hôtels de 4,9% alors qu’avec 3,55 millions de nuitées, 2023 avait déjà sonné le glas des années de récession liées à la pandémie. Embarqué en plein Covid, Adrien Genier, qui pilote Genève Tourisme, a pour sa part redressé la barre en courtisant notamment le marché helvétique. Interview.

"Genève compte aussi des lieux d’hébergement bon marché ainsi que des auberges de jeunesse."

Genève séduit surtout... les Suisses. Entre 2019 (émergence du Covid) et 2023, ce sont près de 46% de plus qui ont fréquenté les lieux d’hébergement du canton. Comment expliquez-vous ce rush? Adrien Genier: Quand je suis arrivé à la tête de Genève Tourisme, j’avais un objectif: partir à la conquête de la Suisse alémanique. Durant les restrictions sanitaires, la clientèle d’outre-Sarine a découvert le canton. Séduite, elle a dispensé la bonne parole auprès d’amis et de connaissances. Elle effectue des petits séjours singulièrement les week-ends. Il est vrai qu’elle n’est pas affectée par le taux de change. Elle représente actuellement 25% de part de marché, un chiffre qui prévalait durant les années Covid et qui n’a pas varié depuis. On aurait pu s’attendre à ce que cette clientèle mette le cap sur des destinations plus lointaines. Ce n’est pas le cas. Mais si nous tirons particulièrement bien notre épingle du jeu, Zurich a tout de même 10% de part de marché en plus. Ce canton est à la fois plus proche géographiquement et son offre en termes de loisirs est très concurrentielle.

D’où viennent les autres touristes?
D’Amérique du Nord. Cette clientèle a économisé durant les années de restrictions sanitaires et n’est pas dissuadée par une destination jugée plutôt chère. Mais soulignons que l’offre est diversifiée, Genève compte aussi des lieux d’hébergement bon marché ainsi que des auberges de jeunesse. Et puis n’oublions pas que chaque touriste qui arrive dispose d’une carte pour l’usage gratuit des transports publics. Une prestation prise en charge par notre Fondation et non pas par les contribuables. Parmi les autres provenances, la France et le Royaume Uni arrivent en bonne place. Petit bémol dans ce palmarès: les visiteurs en provenance des pays du Golfe sont un peu moins présents. Une légère défection qui peut coïncider avec la date du jeûne du ramadan ou qui est liée, comme cela a été le cas en 2023, aux conditions météorologiques. L’été caniculaire a en effet dérouté ces voyageurs vers des pays plus frais comme l’Allemagne du nord.

Concrètement qu’est-ce qui attire le plus les touristes?
Les sites classiques comme le Jet d’eau, l’Horloge fleurie, le Palais des Nations , le musée du CICR et nos visites guidées de la Vieille-Ville. Les séjours qui incluent un passage à Chamonix et depuis la remise en service du Téléphérique, la découverte du Salève sont aussi très prisés. Genève propose plus de 100 activités de loisirs. Relevons également que le canton se mue en station balnéaire. Le lac et le Rhône sont plus accessibles. Les plages sont, elles, plus nombreuses aussi. Et puis nous avons voulu capitaliser sur le chocolat artisanal. Les visiteurs peuvent acquérir un sésame Le Choco Pass, qui leur ouvre les portes des nombreux fabricants du canton. Dire que cela appâte nos hôtes est un doux euphémisme.

En réussissant la conquête du marché alémanique, vous avez réalisé votre objectif. Quels sont les projets qui vous occupent?
Nous devons relever un défi de taille. Conformément aux objectifs de durabilité adoptés par l’ONU, nous développons un tourisme urbain durable grâce à nos partenaires. Notre action passe par la réduction des déchets et de la consommation d’énergie. Elle met en avant le made in Geneva tant en ce qui concerne l’artisanat que les produits du terroir.
Nous poursuivons en outre une stratégie de relais. En clair, un collaborateur est affecté à chaque secteur touristique (restauration, grands événements, shopping, culture). Son rôle va être de diffuser toutes les offres auprès des réceptionnistes, serveurs et personnel de guichet. Ces ambassadeurs de l’activité genevoise, sont dès lors mieux à même de répondre aux demandes des touristes.

Le tourisme de loisirs est dans une phase ascendante. Et celui des congrès? Le départ du Salon de l’auto est un coup dur?
Oui même si les organisateurs du Geneva International Motor Show  (GIMS) se sont vraiment investis. Il peut y avoir un risque d’hémorragie: d’autres pourraient envisager de s’exiler. Cela dit, malgré l’absence du Salon de l’auto en 2023, le nombre de nuitées a battu un record. A noter que nous avons institué, auprès de 200 cafetiers restaurateurs, une carte de débit pour les congressistes ouvrant un certain montant à faire valoir dans les établissements.

Les produits du terroir ont la cote

Né au début des années 1980, l’écotourisme entraîne chaque année un nombre croissant d’adeptes hors des sentiers battus. Ce retour à la nature a favorisé l’éclosion de l’œnotourisme et de l’agritourisme. Il y a 40 ans déjà, Genève créait les Caves ouvertes, incitant le public à venir à la rencontre des producteurs. Le canton développait alors les premières chambres d’hôtes dans la campagne. «Aujourd’hui, la plupart des vignerons proposent des formules d'œnotourisme ou accueillent les visiteurs pour faire découvrir le fruit de leur travail. Plusieurs initiatives ont ainsi vu le jour comme le Swiss Wine Tour et ses activités œnotouristiques en Suisse et à Genève ou encore ViaDarda qui regroupe les vignerons de Dardagny dans un caveau à la Gare de la Plaine. Ce dernier concept permet de déguster les vins de la commune accompagnés de petits encas tous les week-ends durant la période estivale. C’est aussi au centre du village que démarre le sentier viticole, un itinéraire jalonné de panneaux explicatifs sur le terroir qui sillonne le vignoble de Dardagny», détaille Jonathan Brunet, chef de projet œnotourisme à l’Office de la promotion des produits agricoles de Genève (OPAGE). Si l’organisme ne dispose pas de statistiques, il faut savoir que les seules Caves ouvertes, le 25 mai dernier, ont drainé pas moins de 25'000 visiteurs, venus de plusieurs cantons suisses. Une fréquentation qui atteste du succès de cette pause campagnarde et des produits locaux. Du côté de Genève Terroir, les artisans des métiers de la terre ne manquent pas d’imagination pour nourrir le tourisme en lien avec la nature: cours d’art floral, atelier pour la création de son vin, escape game au cœur du vignoble. Sans oublier le Rallye Gourmand qui rassemble près de 800 personnes et concocte des accords mets et vins sur un parcours didactique. Cette manifestation a d’ailleurs ses aficionados hors de nos murs qui reviennent chaque année pour découvrir un nouveau parcours (à Bernex cette année).
La Suisse et Genève ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Des projets sont lancés pour fédérer tous les acteurs de l'œnotourisme et de l'agritourisme au niveau fédéral. «Il s’agit notamment d’inscrire le tourisme de Goût comme un des attraits principaux de notre pays tant pour les visiteurs internationaux que pour les résidents. C'est un travail de longue haleine mais qui finira par porter ses fruits et participera au rayonnement de la confédération en général et de notre canton en particulier», reprend Jonathan Brunet.