«Un compteur pour ne pas payer les excès du voisin»

L’idée de mettre en place des décomptes individuels des frais de chauffage et d’eau chaude refait surface. Le député socialiste Grégoire Carasso estime que cela permettrait de récompenser les efforts fournis en cette période de pénurie. Une fausse bonne idée selon les propriétaires immobiliers.

  • Selon le socialiste Grégoire Carasso, les compteurs individuels permettraient de voir l’impact des efforts fournis. 123RF

  • Le député socialiste Grégoire Carasso. DR

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«Elle n’en a rien à faire… Elle prend des bains tous les jours. Et pendant ce temps, je limite mon temps sous la douche, je porte des pulls dans l'appartement et j'éteins les lumières de toutes les pièces.» Dans la colocation de Cathy, l'ambiance est électrique depuis quelques jours. En cause: les mesures d'économies d'énergie, qui ne sont visiblement pas appliquées de la même manière par tous.

Même constat à l'échelle d'un immeuble. Difficile d'accepter de se cailler dans sa chambre comme au salon alors que le voisin du dessus chauffe toutes les pièces à 25 degrés, tout en laissant les fenêtres ouvertes. Surtout que, quand vient la facture, les frais sont partagés sans prendre en compte la consommation de chaque foyer.

«Connaître sa consommation pour pouvoir la réduire»

Pour que les efforts des uns ne soient pas ruinés par le manque de civisme des autres, le député Grégoire Carasso prône la mise en place des décomptes individuels des frais de chauffage et d’eau chaude. «Cela permettrait à chacun de connaître au plus près sa consommation propre, et, le cas échéant de la réduire», explique l’élu socialiste.

Il ajoute: «L’individualisation des décomptes est prévue par la loi depuis de nombreuses années mais n’a jamais été véritablement appliquée.» Un projet de loi des Verts avait tenté de relancer l’idée en 2014. En vain.

Grégoire Carasso estime qu’aujourd’hui, le timing est idéal. «Et ce, en raison d’une double actualité. D’abord parce que les prix de l’énergie explosent. Le Conseil fédéral fait campagne pour inciter les habitants à adopter les bons gestes afin de limiter leur consommation. S’il n’y a aucun impact sur la facture parce que le voisin, lui, s’en fiche, il y a un fort risque de lassitude. Celui qui gaspille ne devrait pas être sponsorisé par les autres.»

S’ajoutent les innovations technologiques en la matière. «Ce type d’équipement est désormais hyper léger. Il s’adapte directement à l’entrée de l'arrivée d’eau chaude et du chauffage. Il ne coûte plus qu’une centaine de francs maximum», indique le député.

Un investissement inutile

Pas de quoi convaincre les milieux immobiliers. «Cet argent serait investi pour pas grand-chose», réagit Philippe Angelozzi, secrétaire général de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI) Genève. «Car, ce matériel est peu efficace.» Il prône d’autres mesures «plus efficientes», telles que l’optimisation énergétique, l’équilibrage hydraulique ou encore l’installation de sondes thermiques.

Un argument déjà entendu par le passé. «Sauf qu’avec la crise énergétique actuelle, toute économie, même minime, est bonne à prendre», argumente Grégoire Carasso.

Au-delà de la question de l’équipement et de son coût, Philippe Angelozzi indique que, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la mise en place de compteurs individuels n’est pas une mesure juste: «La température au sein d’un appartement dépend de la situation de celui-ci dans l’immeuble. Les logements situés au dernier étage ou en pignon doivent chauffer plus. Tandis que ceux situés en sandwich sont chauffés par les autres.»

Un avis que partage le député PLR Cyril Aellen: «Ce serait injuste pour les habitants des appartements situés aux extrémités des immeubles, soumis à la bise et au vent. Et un peu trop favorable pour ceux des étages intermédiaires qui pourront continuer à éteindre leurs radiateurs.» Selon l’USPI Genève, mieux vaut miser sur «une sensibilisation des chauffagistes et l’information aux locataires pour les inciter à adopter les bons gestes».

Déposé mardi 18 octobre, le projet de loi de Grégoire Carasso devrait être renvoyé en commission de l’énergie lors de la prochaine session du Grand Conseil, les 3 et 4 novembre. Quant au démarrage de la saison de chauffe, il a été reporté au jeudi 27 octobre par le Conseil d'Etat.