«Je voudrais bien changer le monde»

Elégant, Pierre Hafner s'est mué en photographe chevronné d'un événement exceptionnel: le G8. Il signe, dix ans après, «Un monde des espoirs», un recueil imposant de photographies et de témoignages d'acteurs d'une semaine qui a marqué Genève. Interview.

  • «Je voudrais bien changer le monde»

    «Je voudrais bien changer le monde»

– Comment vous définiriez-vous?

– Comme un passionné de géopolitique, un philosophe, un financier de projets futurs qui voudrait bien changer le monde.

– C'est cela qui vous ont poussé à devenir un témoin privilégié du G8?

– Je voulais vivre cet événement exceptionnel. Les médias annonçaient des milliers de manifestants, jusqu'à 500'000, c'était inouï. La ville s'est vidée peu à peu, mes amis partaient tous. Je me suis dit: je reste et je vais voir à quoi ressemblera Genève durant cette semaine. J'avais un appareil photo, mais sans savoir au départ ce que j'allais faire.

– Quels sont vos souvenirs les plus marquants?

– D'abord, le vide. Les commerces du centre-ville étaient barricadés sous d'immenses panneaux en bois, un matériau et un support extraordinaires pour les «taggeurs». Ensuite, le silence… Jusqu'au dimanche après-midi, au moment où les manifestants ont été dispersés. Le soir et la nuit, ainsi que les suivantes, ont été comme un tsunami dans les Rues-Basses: grenades à bruit et lacrymogènes, c'était dantesque!

– Vous avez alors décidé de prendre des photos?

– Oui, j'ai commencé par prendre des photos de la ville emmurée sous tous ses angles. Puis jusqu'à la fin. Mille images au total.

– Et vous en avez gardé combien?

– Entre 200 et 250 pour cet ouvrage. Après les avoir triées, j'ai procédé, durant trois ans, à un récit chronologique de cette manifestation: du premier au dernier jour.

– Selon un procédé original?

– Oui, j'ai pris des photos argentiques que j'ai fait numériser afin d'obtenir ce grain spécial. C'était pour moi une manière de rappeler cet événement comme une impression générale un peu floue.

– Le titre de votre livre «Un monde des espoirs» se lit également d'une autre façon?

– Oui, il s'agit d'un jeu de mots: un monde de désespoir dans un monde des espoirs. L'occasion pour moi d'illustrer la crise actuelle.

– C'est-à-dire?

– Je pense qu'avec le G8 nous avons allumé une mèche. Dans le monde, les gens en ont marre et descendront à nouveau dans la rue si des solutions ne sont pas très vite proposées.

– Une vingtaine de personnalités livrent également leur témoignage?

– Oui, comme Mikhail Gorbachev, l'ancien président de l'ex-URSS; Francis Lecomte, coordinateur G8 ; Peter Arbenz, Micheline Spoerri, Georges Abraham ou encore votre éditeur Jean-Marie Fleury. Le lecteur aura ainsi plusieurs visions: culturelle, sécuritaire, psycho-sociale, politique et journalistique.

– Avez-vous repris votre appareil photos?

– Non, plus jamais. Je réalise que lorsqu'il y a un événement hors du commun, cela me donne envie. J'ai également immortalisé la chute du mur de Berlin en 1989. Mais depuis le G8, plus rien!

«Le monde des espoirs», de Pierre Hafner, paru aux Editions Slatkine.

Le soir et la nuit ont été comme un tsunami dans les Rues-Basses. C'était dantesque!