A Corsier, la Voie bleue prend l'eau...

LÉMAN • La concession pour des navettes lacustres Corsier-Bellevue sera déposée 
en mai. 

  • Le débarcadère de Corsier est le seul qui permette un test sans grand investissement. RG

Le projet de navette lacustre assurée par la CGN et reliant Corsier-Port à Bellevue Port-Saladin va-t-il jaillir des eaux? La demande de concession sera adressée à l’Office fédéral des transports (OFT) en mai. L’Exécutif de Corsier envisage de rejoindre le groupement de communes partenaires à l’origine de cette initiative à condition qu’elle ne subisse pas de nuisances liées au trafic motorisé.
12 communes et privés
La Voie bleue est portée par 12 communes genevoises et des acteurs privés. Il s’agit de relier par bateau Corsier à Bellevue. Les promoteurs l’ont imaginée comme une variation écologique et efficace à l’usage de la voiture afin principalement de désengorger la traversée de la rade. Il s’agit d’une ligne publique accessible toute l’année et totalement connectée au réseau de mobilité collective (Transports publics genevois et Léman Express). Elle est aussi reliée aux pistes cyclables et voies vertes. En clair, le principe n’est pas de stationner son véhicule aux abords des quais de part et d’autre du lac et d’embarquer. 
Le vélo et la mobilité douce sont en effet au cœur du projet.
La concession sera soumise à l’OFT pour une durée de trois ans. Il s’agit d’une phase test à l’issue de laquelle des corrections pourront être apportées. Comme par exemple, au cas où la navette trouve son public, la mise en service de navettes mues pas une énergie verte . Le projet ne fait pas l’unanimité. Non pas sur le fond, des opposants s’accordent à reconnaître la pertinence de cette liaison, mais sur la forme. Autrement dit, une Voie bleue certes , mais pas au départ de Corsier. Me Romain Jordan, 
avocat de riverains est plus catégorique: «La base même de la collaboration est déjà irrégulière, puisqu'une convention de financement a été conclue, en 2022, entre les communes, la banque privée et la CGN. Or, aucun appel d’offres n’a été publié avant la conclusion de cet accord. Ceci en violation du droit. Aucune entité autre que la banque n’a pu offrir sa solution ou se joindre au projet... A cela s'ajoute le fait que l’établissement bancaire pourra intervenir sur 
les horaires, le tracé, le prix des billets, le financement, le rabais (et la priorité?) offert à ses employés (alors que le contraire avait été promis).» Bernard Taschini, conseiller administratif de Bellevue, signataire de ladite convention le dit: «Les attaques visant ce texte ne correspondent à aucune réalité. Il s’agit d’un accord vertueux public-privé qui répond à toutes les obligations légales. Conforme au droit, la convention ne permet pas aux partenaires privés d’intervenir unilatéralement sur les horaires et autres modalités.»
Au-delà de la forme, l’avocat ajoute: «Le trajet vers Corsier 
consommera le double d’énergie que celui vers la Belotte. Il sera opéré par des bateaux à propulsion thermique, et non verts. 
Le port de Corsier est difficilement accessible. Une pente de trois cents mètres le sépare de la route d’Hermance, seule desservie par les transports publics. Enfin, la baie contient un site palafittique classé au Patrimoine mondial de l’Unesco.»
En l’état pourtant, le débarcadère de cette commune, affirment 
les promoteurs de la Voie bleue, est le seul qui peut permettre d’engager la phase test sans grand investissement. Ce que conteste également Me Jordan qui assure au contraire, rapport d’experts à l’appui, qu’il faudra construire une digue estimée à 2 millions. Mais que Bernard Taschini n’entérine pas: «Rien ne la justifie, la CGN dessert déjà Corsier sans aucun problème».
Et Corsier? Elle ne fait pas partie des Municipalités partenaires du projet pilote. Elle pourrait s’y rallier avec l’accord du Conseil municipal et pour autant que la traversée lacustre n’induise pas de hausse du trafic motorisé entraînant alors des nuisances», explique Eric Anselmetti, maire de Corsier.
Facilitateur...
Alors, la Voie bleue a-t-elle définitivement le vent en poupe? Voguera-t-elle au printemps 2025? Arnaud Girardin, président des Amis de la Voie bleue, peut entendre les craintes des opposants mais estime qu’elles sont infondées, voire irréelles. «Me Jordan, au nom de ceux qui veulent préserver leur pré carré, fait preuve d’une imagination débordante, inventant même la nécessité d’une digue. Il n’y a aucune raison objective que la Voie bleue génère un flux de véhicules motorisés qui stationneraient sans aucun respect des règlements à travers le village et ses abords. Pour le surplus, il s’agit vraiment de la phase test. Si elle est concluante, on peut imaginer une réplique au départ d’un autre site. Et d’autres Voies bleues pourraient être lancées, afin d’éviter des bouchons au centre-ville.»
L’Etat, qui n’est aujourd’hui pas impliqué financièrement dans ce projet, joue cependant un rôle de facilitateur.